Premier tome d'une trilogie africaine, Bonne Arrivée Patron ! ne fait pas toujours dans la finesse et trop peu dans l'émotion pour réellement emporter ou dépayser le lecteur.



Entre polar à embrouilles, peinture comique hésitante et condescendance occidentale post-coloniale,



le scénario d'Alain Brézault reste par trop simpliste. Le dessin de Jean-Denis Pendanx vient donner, heureusement, un peu de souffle et de relief dans ce tas de magouilles.


Afrique occidentale contemporaine : une embuscade au crépuscule, une mallette en ligne de mire, et bientôt un fourmillement de personnages en action autour de ce qui reste de cet accident au cours duquel Félix Battiono, haut responsable régional du parti au pouvoir, perd la vie après s'être vu tranché la main et dérober ladite mallette. Pour épicer l'ensemble - là où le scénario montre un peu d'ambition - la mort d'une des filles naturelles de Grégoire Yaméogo, secrétaire général du même parti, des suites de son malencontreux enlèvement dans un coin reculé où s'extraient, mains fermes, les diamants qui font la richesse du parti et probablement quelques révélations à venir. Entre les angoisses d'un père et sa colère encore tapie, les espoirs de carrière d'un inspecteur déterminé, la bêtise sourde de gendarmes irresponsables, la couardise d'autres de leurs collègues, la bonne volonté d'un pharmacien pourtant irascible et la cruauté, derrière l'indifférence, des anciens colons restés là, expatriés,



le tableau africain est certes riche de personnages mais fait pas mal dans le cliché...



un peu trop finalement pour que l'on ait le temps de s'attacher au moindre d'entre eux et qu'on ne se pose pas la question du réel regard de l'auteur. Ce sont bien dans les imbroglios politiques, les magouilles sous-entendues et la curiosité de savoir jusqu'où la sauce sera montée avant d'exploser que se tiennent les fils encore décousus d'une narration quelque peu légère pour un polar.


Le dessin de Jean-Denis Pendanx peint l'ensemble en caricatures et, malgré les difficultés posées par le dynamisme de la scène d'ouverture, insuffle une certaine fluidité au récit. Trait forcé et couleurs chaudes, l'artiste joue loin de l'envie de polar ou de naturalisme pour faire vibrer



une Afrique vive, hétéroclite et optimiste,



au-delà des clichés imposés aux protagonistes. Un style finalement très classique de la bande-dessinée franco-belge moderne, mais qui vient idéalement assumer le point de vue : avec le décalage nécessaire à désamorcer ces clichés justement.


Sans proposer la promesse d'un récit innovant ni même bouleversant, sans tenir la tension palpable d'une intrigue forte, angoissante ou émotionnelle, sans présenter une galerie de personnages auxquels le lecteur puisse s'identifier un tant soi peu, il reste de Bonne Arrivée Patron !



un petit plaisir graphique, vif, coloré,



et l'ébauche d'une vue d'ensemble que l'on souhaite malgré tout apprécier à sa juste valeur en refermant la trilogie : l'entrée en matière est urgente, accumulatrice et peu encline à fouiller l'humain, ne reste qu'à espérer que le prochain tome viendra nouer quelques liens narratifs pour réellement intriguer et séduire.

Matthieu_Marsan-Bach
6

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste L'Afrique en Cases

Créée

le 30 déc. 2017

Critique lue 67 fois

Critique lue 67 fois

Du même critique

Gervaise
Matthieu_Marsan-Bach
6

L'Assommée

Adapté de L’Assommoir d’Émile Zola, ce film de René Clément s’éloigne du sujet principal de l’œuvre, l’alcool et ses ravages sur le monde ouvrier, pour se consacrer au destin de Gervaise, miséreuse...

le 26 nov. 2015

6 j'aime

1