Homeless Strips

Publié chez Aaarg !, Borb suit les pérégrinations pathétiques et miséreuses de Bob, clochard new yorkais, au cours des derniers mois de son invisible existence, à travers de nombreuses saynètes crues et sans retenue. Brutes de vie crade et rongées par la soustraction au monde. Jason Little y livre

un récit dénoué aux allures de témoignage réaliste alarmant.

Entre ses problèmes de dents, son diabète et son alcoolisme, Bob fait l’aller-retour de la rue à l’hôpital, des couloirs du métro à de rares foyers d’accueil en passant par les cellules de dégrisement ou de garde à vue, mais refuse systématiquement de se faire aider, de se laisser accompagner pour surmonter tout ce qui le tire vers le bas, préférant toujours fuir, retourner à l’absence invisible de la rue. Récit autour de la désocialisation subie et de la résignation volontaire qui la suit, Borb survole

d’innombrables aspects dégueulasses de la misère urbaine

sans pour autant construire suffisamment son scénario pour emporter le lecteur.

Le noir et blanc en traits fins,

entre caricature et réalisme,

aide à s’éloigner du pathétique larmoyant en amenant un recul comique à des strips difficiles, sales et sans voile, qui narrent pourtant la déchéance irrémédiable et infectieuse de l’homme hors de tout système social. Dessin juste et précis, à l’équilibre solide, l’auteur, faible au scénario, séduit par la forme.

Petit précis de la lente agonie des sans abri, Borb met en lumière les petites difficultés qui creusent les grandes errances de l’oubli de soi, qui amènent inexorablement des hommes brisés à s’effacer de la société, sans éluder les pires aspects insalubres mais sans non plus verser dans le pathos. Touchant sans convaincre totalement, Jason Little ne centre malheureusement pas suffisamment son récit pour le sublimer et toucher à l’universel.

Bel essai, un peu léger.