L'éducation pathétiquement sentimentale

Ca doit être l'influence de Crumb je ne sais pas quoi, mais lorsqu'on file carte blanche à un dessinateur américain, il va finir par raconter ses histoires de cul dans les moindres détails. A vrai dire je pensais que le premier à raconter ça était Joe Matt dans Streep Tease et Peep Show... perdu, à peu près à la même époque, un New Yorkais du nom de David Chelsea faisait la même chose, racontant ses looses dans les années 80.


Je suis tombé sur cet album un peu par hasard et même si j'accroche pas trop au style de Chelsea, il y a quand même des jolies trouvailles visuelles, des angles impromptus ainsi qu'une façon assez travaillée de montrer le noir, notamment dans les scènes de cul. Car on copule pas mal dans cette bd, que ce soit David qui le fait ou l'une de ses conquêtes. Les scènes ne sont pas détaillées, on voit surtout des corps collés les uns aux autres, des positions équivoques et c'est plutôt finement joué sur la façon dont l'acte sexuel nous revient en souvenir.


Le problème, c'est que l'album cède à une forme de répétitivité et de prévisibilité à la longue. David habite New York et ses parents sont à Portland : soit il se trouve une copine à Portland et lui ou elle (ou les deux) fini(ssent) par être infidèle lorsqu'il est à New York, soit il se trouve une copine à New York et l'infidélité arrive lorsqu'il part quelques temps chez ses parents. Sans parler du fil rouge de la bd, Minnie, qui enchaîne les ruptures/retrouvailles et dont on se demande si l'inconstance fut réelle ou si c'est dû au prisme du miroir déformant de la subjectivité de l'auteur.


Car dans cet exercice, David Chelsea tombe dans les travers que Joe Matt arrive à éviter : Matt n'est jamais lassant car il arrive à raconter de façon comique ses tentatives pathétiques pour conclure, tandis qu'à force de ne se focaliser que sur l'aspect "relationnel" Chelsea offre un récit déformé. L'auteur a sûrement évité de parler des filles avec lesquelles il ne s'est rien passé, des soirées sans intérêts ou des relations amicales, car elle n'apportaient rien au récit. Mais du coup, à chaque fois qu'il croise une fille qui lui plait (voir à chaque fois qu'il met le nez dehors...) on sait que tôt ou tard ils vont finir au lit. Et le fait de raconter en 187 pages 3 ou 4 années de relations chaotiques donne finalement l'impression que tout le monde couche avec tout le monde et que tout le monde trompe tout le monde. Je me suis dit "purée, les américains, ils sont vachement moins coincés du cul que je ne le pensais."


Toutefois cet aspect "prévisible" est rattrapé par le cadrage et le sens de la mise en scène évoqué plus haut. J'ai lu quasiment l'album d'une traite et les dialogues sont vraiment percutants voir vachards par moment. Il y a pas mal de scènes où j'ai souri ou pesté devant la connerie des personnages ("j'ai pas besoin de capote, ma copine connait parfaitement son cycle menstruel") et m'a rappelé certaines de mes expériences amoureuses passées (ce moment où tu es inutilement méchant dans tes remarques envers la fille qui vient de te plaquer...)


Merci auteur de bd de tous les pays de nous raconter vos histoires de cul... moi, je suis preneur au final.

le-mad-dog
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le 11 janv. 2016

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