Après un premier tome à la narration déstructurée et aux sous-propos multiples, Sean Lewis et Caitlin Yarsky remettent le couvert : le second volume de Coyotes apparaît plus direct, moins mystérieux, mais tout aussi efficace que son aîné.


En parcourant ce deuxième tome de la série Coyotes, une évidence saute aux yeux : les planches de Caitlin Yarsky demeurent belles et sophistiquées, avec des visages très expressifs et des vignettes parfois à la lisière de l’horrifique. Les teintes pourraient être qualifiées de sérielles en ce sens que la dessinatrice passe par différentes phases : au bleu-gris des premières pages succèdent le vert-gris, le jaune-gris ou un clair-obscur doré du plus bel effet. Les dessins ne manquent jamais d’incarnation et certains points de vue pourraient se prêter parfaitement au cinéma. On pense notamment à cette vignette dévoilant des héros en danger à partir de la gueule menaçante d’un loup.


Le premier tome supportait des lectures secondaires touchant au complexe militaro-industriel, à la corruption dans la police ou aux expériences scientifiques. Il laissait le mystère s’épaissir à mesure que des éléments nouveaux venaient alimenter l’intrigue – les poupées, la Duchesse, les Loups anciens… Cette suite s’avère moins sinueuse, essentiellement focalisée sur le conflit opposant les filles de Gaïa et les Loups cherchant à les annihiler. Le récit demeure fondamentalement féministe : les femmes sont des guerrières autosuffisantes et elles subissent une haine due à leur genre. Sean Lewis ne se fait pas prier pour souligner leur posture rebelle : « Éléos est la Déesse de la Miséricorde. Et je suis Olive. Aussi connue comme son putain de Marteau. » L’opposition ne souffre aucune ambiguïté : « Elles croyaient pouvoir vous dresser à agir contre votre nature ? Faire de vous non pas des chasseurs, non pas des pillards. Quel goût avait leur pardon ? » Ou encore : « Duchesse. C’est comme ça que tous les enfoirés m’appellent ici. Et on va établir des règles de base. Premièrement, les hommes sont enchaînés. »


L’humour et l’horreur figurent eux aussi au cœur de ce tome. Une vieille femme préfère les bois aux toilettes, ce qui appelle au commentaire suivant : « Les feuilles sont le PQ de la nature. » Les ennemis masculins, une fois captifs, sont habillés en rose, sollicités au foyer ou envoyés dans les champs, dans un geste entendu d’humiliation. Il est aussi ironiquement noté que « bizarrement, un labo foireux avec des antécédents à la Frankenstein, ça ne vaut rien sur le marché immobilier ». S’agissant de l’aspect horrifique de ce volume, comment ne pas évoquer la fusion des Loups en un monstre difforme et gigantesque, image iconique s’il en est ? L’hostilité telle qu’elle est représentée dans le chef des Loups fait le reste…


On pourra, à la lecture de ce second tome, regretter un certain manque d’ambitions dans la construction du récit. Les mystères entretenus dans l’épisode inaugural paraissent rapidement évacués. Et peu d’intrigues connexes viennent soutenir l’arc principal. La bande dessinée n’en demeure pas moins intéressante, avec des personnages féminins forts et souvent bien écrits, ainsi qu’une confrontation attendue dont l’avènement sert de colonne vertébrale à l’histoire.


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Cultural_Mind
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le 22 avr. 2020

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