Sept ans de gestation

Graphiquement, c'est juste superbe. Le trait de Craig Thomson est sublime - c'est au dessus de Blankets qui était déjà d'un très haut niveau - mais là, ses dessins mêlés de calligraphie islamique sont splendides. Donc rien que pour ça, rien que pour les 660 et quelques pages de dessins magnifiques, ce roman graphique mérite une super note.

L'histoire est plus problématique. Je ne saurais pas dire si j'ai aimé ou pas. Là où Blankets choisissait de raconter l'histoire universelle d'un premier amour, Habibi est un conte tiré des mille et une nuits mais ancré dans la modernité : on aurait pu croire l'histoire intemporelle, puis viennent des camions et des grues. Le pays dans lequel se déroule l'histoire est aussi imaginaire. Je ne sais pas trop ce que Craig Thomson voulait raconter. Il a clairement effectué beaucoup de recherche sur l'Islam ce qui transparait au travers de son trait et des anecdotes dont il émaille les pages. Maintenant, à ne pas choisir entre réel et imaginaire, Thomson enlève tout universalisme à son histoire. En adoptant un ton un peu trop docte et en établissant des parallèles avec la Bible par exemple, il montre qu'il est un américain qui explore une culture nouvelle. En bref, Thomson ne réussit pas complètement à adopter un point de vue qui n'est pas le sien. La dimension pseudo-autobiographique de Blankets offrait à de dernier une franchise et lui donnait une force que l'on ne retrouve malheureusement pas ici. Un peu noyé dans les clichés sur l'Islam et le monde musulman, l'histoire en souffre un peu. Mais cela reste une œuvre de très grande qualité, puissante et graphiquement magnifique, fruit de sept années de dur labeur. À contempler et lire, évidemment.