Hawkwood
6.3
Hawkwood

Manga de Tommy Ohtsuka (2016)

Ils auraient moins fait les malins avec Duguesclin

Chose rare, suffisamment en tout cas pour être mentionnée, à la seule couverture du premier tome d’Hawkwood, déjà, je m’ouvrais à la perspective d’une agréable lecture. Le regard enragé derrière un heaume ombrageux, cette masse d’arme tenue d’une main ferme dans un paysage lugubre qui embaume la mort ; je l’ai caressé, l’espoir, à voir ça. Puis, j’eus la bêtise de franchir le seuil de la première de couverture. Là, j’y trouvais moult motifs à me décevoir. Peut-être avais je nourri de trop stupides aspirations à l’aune d’un dessin à peine ; d’une esquisse seulement. Qui, comme moi, pense pouvoir fonder ses opinions au doigt mouillé, conviendra d’une tromperie manifeste passée la jaquette.


Sous le heaume d’acier, on y découvrait une mine de gandin, propret et lisse, dont la brutalité présomptive fut évacuée aussitôt la première expression faciale nous fut parvenue. Les dessins, pour corrects qu’ils sont, limités cependant dans leurs mérites, sont trop décidément lisses pour qu’on ne tienne pas l’œuvre pour légère.


Sans non plus qu’elle soit frivole, cette composition, elle n’a rien de bien crédible à vous offrir. À vous ou à moi, d’ailleurs. L’orchestration narrative est une petite ritournelle qu’on ne connaît que trop bien. Des personnages sont en difficultés, une bande de héros arrive pour leur venir en aide. Personne ne croit en eux, mais en réalité, ils renverseront la donne car ils sont les plus forts.

Ou un truc comme ça.


Lionel, notre personnage principal est un preux mercenaire. Intelligent et rusé en tout domaine qui se profile, habile stratège, vertueux avec un air de pas y toucher ; il est Ulysse et Achille à la fois, présenté sans faille et sans bavure donc, sans intérêt.

Pour avoir étudier le règne de Charles V – quel roi, putain – je puis vous assurer que les compagnies de mercenaires ne répondaient pas exactement à ces critères. Nocifs et prompts aux rapines les plus scandaleuses, ces gens-là étaient un ramassis de vandales tenus en laisse pour peu qu’on paye bien. Ici, la compagnie de Lionel est plus fidèle aux préceptes de la chevalerie que ne le sont les adoubés eux-mêmes.


Pour en revenir aux dessins, plutôt simples et fonctionnels – ce dont je ne me plains pas pour apprécier ce que ce parti pris graphique a de méritant – ils m’évoquent, en plissant bien les yeux toutefois, du Tsukasa Hojo très abâtardi et gentillet. Ça se passe surtout dans les yeux des personnages à vrai dire, le reste de ce qui les compose étant plutôt quelconque.

Les Dessins sont corrects pour relater l’action, mais corrects seulement. Toute chose considérée, ils ne nous suggéreront finalement que bien peu de choses.


En dépit d’une histoire lancée dans la France de 1346, la plupart des protagonistes majeurs de la période seront des nobles fictifs. L’intrigue aurait amplement gagné à s’inscrire dans un cadre strictement fictif, à la Arslan, pour mieux construire son intrigue sans empiéter sur une Histoire bien complexe à l’époque, ici présentée sans contexte. On ne comprend pas l’invasion anglaise sans tenir compte de la fin de la branche aînée des capétiens. S’il n’y a aucune vocation à re-contextualiser et tirer partie de l’Histoire, autant s’en dégager pour ne pas l’encombrer de quelques inepties dont nous seront ici inondés une vague torrentielle après l’autre.


Parce que, j’ai beau avoir la fibre française et vomir le rosbif pour tant de (bonnes) raisons, mais le traitement qui est fait des antagonistes, du roi Edouard au dernier de ses féaux, est d’un ridicule consumé. Ils sont anglais, donc ils sont maléfiques. L’assertion n’est pas pour me déplaire  ; un semblant de nuance n’aurait cependant pas été de trop pour affermir le bloc antagoniste et nous le rendre sympathique. Ils ne seront finalement que les méchants, ceux qu’on s’en va occire car, les gentils, eux, vainquent les méchants. C’est encore ce qu’ils font de mieux ; ils ne font d’ailleurs que ça à longueur de tomes.


Du fait que l’intrigue soit si lacunaire et ses personnages bornés à un trait de personnalité à peine s’ils sont chanceux, la matière manque et Hawkwood, sans consistance, nous fond entre les doigts. Kingdom avait les intrigues du palais et la diplomatie pour donner le change, Stratège avait un vivier de manigances allant outre la guerre, Imperial Guard avait un enjeu, une scénographie, un contexte travaillé et des personnages ; Hawkwood n’a que le mercenariat gaudriole pour seul et unique attrait. Un dont on se détourne à trop se l’infliger, faute de variété dans le récit.


Usant de tout ce que mes capacités de déduction me permettent d’accomplir, je devine que ce manga n’a probablement pas rencontré son public, achevé prestement au tome 8. Trop mou pour secouer son lecteur, bien qu’au-dessus de la mêlée de ce qui se fait globalement dans le paysage contemporain, Hawkwood ne recèle en lui que trop d’éléments d’un classicisme froid, d’où aura été évacué la surprise et la spontanéité. Le manga en lui-même n’est pas excessivement mauvais, mais il brille d’un éclat trop terne pour qu’on lui prête la moindre attention.

Josselin-B
3
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Créée

le 13 sept. 2025

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Josselin Bigaut

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