Calée entre son œuvre culte Preacher et le monumental Punisher Max, Hitman est un peu la série perdue de Garth Ennis. Rarement rééditée, jamais publiée en France, son héros jamais réutilisé ensuite malgré les divers reboot, elle a pourtant des qualités propres qui en font un comics qui mérite sa place tout en haut des publications DC des années 90.


Suite au crossover Bloodbath qui à vu des monstres d'une autre dimension envahir la terre pour dévorer la colonne vertébrale des pauvres humains, certaines de ces victimes se sont vue doter de pouvoirs. Garth Ennis, officiant sur la série The Demon (mettant en scène Etrigan) au même moment, s'est vu donner la création d'un Annual sur le sujet, où il devait intégrer un nouveau personnage.


A son habitude, il prit le concept à contre courant : au lieu de faire un héros, il à mis en scène un tueur à gages, Tommy Monaghan, s’étant fait attaquer au hasard par un des monstres au détour d'un contrat. Il vis dans le Chaudron, un quartier mal famé de Gotham où il est connu pour avoir fait les quatre-cent coups dans sa jeunesse. Il a été à l'armée, mais il n'a pas été brillant : son plus haut fait d'arme à été d'assassiner par erreur des alliés. Tommy est cynique, sombre, et traîne majoritairement entre deux assassinat au bar.. Mais Tommy, malgré tout, à un grand cœur. Il aime passer son temps libre à jouer aux cartes, raconter des histoires du bon vieux temps, où simplement regarder des films avec Pat, son meilleur ami.


Les habitués du bar Noonan's, c'est presque des frères. Ils s'entraident et s'épaulent dans les coups durs. Sean Noonan, le patron, est un homme droit et honnête qui cache un passé lourd derrière un sourire chaleureux. Hacken, un benêt sympathique. Ringo Chen, un autre tueur à gages mystérieux. Plus tard s'ajouteront Sixpack, un alcoolique s'imaginant héros, Natt, le compagnon d'armes de Tommy à l'armée, et Baytor, un démon extirpé de l'enfer qui à décidé de devenir barman.


S'amusant de Batman beaucoup trop sérieux, prenant Green Lantern de haut car il ne sait pas quoi faire dans une situation de risque réel, ou éliminant simplement une ribambelle de héros/villain qui ont cru qu'un flingue n'était pas assez pour les vaincre, Tommy est le symbole du gars normal qui se retrouve dans une situation beaucoup trop absurde pour ne pas en rire. Les héros, de leurs costumes colorés et leurs préoccupations cosmiques, n'ont pas leur place dans son univers.


Et c'est là le génie de la série : dans Hitman, la réalité est dure. Les super héros, là où ils devraient être une lueur d'espoir, ne sont qu'une frasque burlesque entre deux galères. Tommy et ses amis, étant du mauvais côté de la loi, n'ont pas l'espoir d'être aidé par un deus ex machina. Si ils meurent, ils meurent, ils ne seront pas ressuscités par un puits de lazare. Son plus terrible adversaire, ce ne sera pas une invasion zombie, une attaque de dinosaures où un siège par des vampires. Non, ce sera l'homme entraîné, sans concession, le tueur dur et froid, venu tirer une balle dans la tête de son ennemi sans perdre de temps en discours.


Le dessin de John Mcrea, compagnon indispensable de Garth Ennis sur la série, s'adapte parfaitement au ton des divers épisodes, oscillant entre le cartoon pour les moments les plus absurdes et le polar réaliste pour les moments les plus durs.


Mais il y a de l'espoir dans Hitman. Tommy est un bon bougre, au fond. Quand il tue, ce ne sont que des salauds. Il n'hésite pas à faire un boulot gratuitement si c'est pour aider quelqu'un dans le besoin. Ses amis, toujours présents, l'accompagnent dans les différentes aventures, qu'elles soient burlesques, comiques où dramatiques. Enfin, même si il réfute les héros, il admire les symboles forts et purs. Quand il croise Superman sur un toit et que, ne sachant pas sa profession, l'homme d'acier accepte de se confier sur une erreur qu'il a commise et qui le mine. Tommy réussi à lui remonter le moral lors d'un discours poignant et montre pourquoi il est important de se battre, se tenir fort, même dans les coups durs.


L'absurdité du monde des super héros n'est alors pour Tommy qu'une manière d'échapper à un train de vie auto-destructeur. Voyant certains de ses proches se faire décimer au fil de ses missions, il sait que son temps est compté. Il sait que son milieu est dangereux, et qu'il n'est vivant que grâce à sa chance. Son talent, ses pouvoirs, ne comptent que très peu sur l'échelle du risque qu'il prends tout les jours. Alors il remonte la pente, panse ses blessures, enterre ses proches et continue d'avancer. Jusqu'à un certain point.


Quand il se laisse mourir lors de la scène finale, ce n'est pas par dépit où résignation. Il à vu Pat se faire assassiner et agoniser seul. Il à vu le cadavre de Sean, poignardé par un ennemi que Tommy aurait pu éliminer. Ringo est mort car il n'a pas réussi à le sauver à temps. Sixpack s'est sacrifié pour sauver le monde. Alors, quand Nat est blessé, seul, à la merci de l'ennemi, il ne veut pas le laisser ici et s'enfuir comme à chaque fois. Il refuse de laisser la fatalité encore une fois lui enlever un de ses amis et le laisser de plus en plus seul. Il reste avec lui, règle ses comptes une dernière fois, ferme le cercle vicieux, et meurs. Il a été maître de son destin, jusqu'à la fin.


L'important, au fond, c'est que Tommy à existé, comme une preuve que l'homme normal est aussi présent dans l'univers DC, comme une bulle dans l'emploi du temps chargés de ces héros qui ne prennent jamais le temps de vivre. Quand Garth Ennis à du faire un hors série sur DC 1 million, où toutes les autres séries ont présenté un héros du futur, il à choisi de développer un Tommy Monhagan transposé tel quel dans le futur par des enfants ayant entendus une légende gonflée et exagérée sur l'homme, permettant de souligner encore plus l'absurdité de ne serait-ce que son existence dans l'écurie DC.


Le fait de ne plus jamais avoir revu Tommy Monaghan dans DC est une bonne chose. Ainsi Hitman à un statut d'oeuvre définitive sur son personnage, son seul défaut étant de n'avoir finalement, sur 60 numéros, explorés que peu les aventures possibles des occupants du bar Noonan's, et une conclusion un peu abrupte même si satisfaisante.


Même dans All-Star Section Eight, puis Sixpack and Dogwelder, deux séries sorties en 2015 et 2016 reprenant les lieux et des personnages de la série, il n'est fait aucune mention de Tommy et de son groupe, mis à part le mausolée du bar exhibant des photos en arrière plan. Une mini série en deux numéros sortie en 2007 (Hitman/JLA) explore l'héritage de Tommy Monaghan, pour rappeler quelques souvenirs à Clark Kent dans ce qui constitue un épilogue à la série principale : il n'y oublieras pas cet homme du peuple, ce tueur, qui un jour, sur un toit, lui à donné une leçon d'espoir et d'humanité.

Kaposi
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Mes comics lus en VO (mais que j'ai la flemme de noter/critiquer/rajouter à SC). En cours ! et Les meilleures œuvres de Garth Ennis

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le 15 sept. 2017

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Kaposi

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