Ken-ichi
6.3
Ken-ichi

Manga de Shun Matsuena (2002)

Me voilà à creuser. Creuser encore, creuser toujours, creuser plus profondément dans le classement Shônen SensCritique. À m'enfoncer comme je le fais, ce n'est pas des minerais rares que je découvre. Non, plus je persévère dans mes efforts, plus les découvertes se veulent désagréables. Ici une fosse sceptique, là, une poche de gaz mortel ; la consécration n'est pas au bout de la pelle, je vous le garantis.
À descendre plus bas dans le classement, c'est moi qui vais finir par être enseveli. Y'a pas de filon en perspective, plus j'approfondirai mes lectures, plus je m'éloignerai de ce qui est considéré comme le meilleur du Shônen, et plus mes chances de découvrir un portail menant vers les enfers se multiplieront.
Confronté à une introduction qui vous envoie autant de rêve, le lecteur de cette critique aura - je l'espère - compris qu'il s'engageait vers un périple sans joie ni gloire dans l'éventualité où il ouvrirait ne serait-ce qu'un volume de Ken-Ichi. Ce n'est d'ailleurs plus tant une critique que je formule ici qu'un avertissement. Mieux ; une œuvre de salubrité publique qui gagnerait à être relayée par le ministère de la santé. La chose ne serait pas superflue car nous entrons dans ce que j'appelle l'œuvre de «catégorie M». M pour mature ? M pour malséant ? M pour méconnu ? Non. M pour merdique.
Avec Fairy Tail, Ken-Ichi est une de ces créations capables de me faire regretter l'absence de zéro étoiles en notation. Tenez-le-vous pour dit, nous sommes une strate en dessous des mangas gratifiés de une étoile que je note habituellement. La différence entre les deux étant similaire à celle qui distingue en température le zéro du zéro absolu.


Tous les symptômes du Shônen coutumier - et donc ordurier - sans imagination ni noveleté sont bien évidemment réunis : les grimaces émoji à foison, les gags potaches mais surtout sans humour, des personnages caricaturaux à l'extrême jusqu'à la moindre de leurs postures et une absence de finalité chez tout et chacun dans ce manga. Bon appétit.
Ce n'est pas tant une intrigue que nous lisons qu'un prétexte à la parution poussive et extensive pour le finalité de rentabiliser le dessin jusqu'à saturation du lecteur. Hélas, le lectorat étant ce qu'il est - j'ai maintes fois ergoté sur le sujet - l'aventure se sera perpétuée sans jamais se renouveler soixante-et-un volumes durant. Je crois que j'admire autant l'endurance de ses lecteurs que j'honnis leur absolu manque d'esprit critique qui, je le crois, pourrait un jour les faire incliner vers la coprophagie. Ce ne serait qu'une suite logique de leurs habitudes de consommation.
Il faut de tout pour faire un monde dit-on, mais des lecteurs de cet acabit, il en faut moins, beaucoup moins. Je n'appelle à rien. Bien entendu. Mais il n'empêche que.


Se contenter de Ken-Ichi le scénario (j'ai des fous-rires à seulement associer le principe du scénario à Ken-Ichi), c'est aussi se contenter de Ken-Ichi le dessin. Ceux-là, il faut bien le dire, sont non pas basiques, mais rudimentaires durant le premier tiers de la série. Rudimentaires, pour ne pas dire primitifs. Il y a du rupestre dans le crayonné.
Le respect des proportions y est douteux durant un certain temps.
Et cette propension que ça a à vouloir seulement chercher à tutoyer Tetsuo Hara ou Akira Miyashita au niveau du trait est à mourir de rire tant c'en est pathétique. J'en fus gêné pour l'auteur. Puis, les chapitres passant, je finis par en être atterré.


Puisque le manga s'est choisi «nulle part» comme destination vers laquelle progresser, nous parviendrons très certainement au terme de ce voyage. Chaque étape du récit (écrire «le récit», quand on parle de Ken-Ichi, ça a de quoi faire soupirer et lever les yeux au ciel) est parsemée du vide conceptuel du Nekketsu dépourvu de créativité. Les méchant très méchants attendent à chaque coin de rue. Tout le monde veut du mal à Kenichi dès le premier volume. Je ne puis leur en vouloir, moi-même je souhaitais âprement le voir crever, qu'enfin, cette parodie de Shônen se solde au plus tôt.


Peut-être certains, avant de lire Ken-Ichi, se sont contentés du synopsis. Enfants perdus que vous êtes. Laissez-moi vous prendre par la main et vous ramener sur le droit chemin.
Vous souhaitez une histoire où, un personnage principal faible se trace un parcours sur la voie royale du Karaté dans un récit admirablement ficelé et rempli de dessins comptant parmi les plus adaptés au monde ? Cela existe, je puis en attester, mais ça n'est clairement pas ici. Optez plutôt pour un Coq de Combat, vous ne pourrez qu'y gagner au change.


Chaque chapitre que je fus susceptible de lire aura, chez moi, fait poindre cette sempiternelle question venue me secouer vivement les méninges : «Comment a pu perdurer un manga sur les arts-martiaux qui nous présente en plus les combats sous un dessin si terne et niaiseux ?». Chaque coup porté par un personnage est une incitation de plus à bâiller ; on finir la lecture d'un chapitre avec une luxation à la mâchoire. Le ministère de la santé - puisque je l'ai sollicité plus tôt - pourrait faire rembourser Ken-Ichi par la sécurité sociale pour l'aide apportée au sommeil. Se méfier toutefois des effets secondaires. Les crises de nerfs en particulier pour qui a trop de goût pour se coltiner une daube pareille.


Les entraînements sont invraisemblables, parodiques malgré eux et plus soporifiques encore que les confrontations qui en résultent. C'est du Nekketsu réduit à portion congrue qu'on lit là, on en ronge les os déjà bien maigres. La phase entraînement, dans le Nekketsu, c'est toujours le passage litigieux par excellence. Difficile de se démarquer de ce qui a déjà été fait, de ne pas ennuyer son lecteur et de faire durer la chose juste suffisamment longtemps pour que l'on n'ait pas l'impression que le protagoniste ait progresser trop vite. Partez confiants lecteurs, Shun Matsuena ne se souciera aucunement de ces considérations.
Consciencieux, on l'est ou on ne l'est pas. Et si on ne l'est pas, on finit par écrire Ken-Ichi.


C'est à se demander pourquoi l'auteur dispense des bulles de dialogue alors que tout peut se lire sans. Même plus aisément j'ai l'impression. Je m'épargnerai cependant une seconde lecture pour tester. Qui lit Ken-Ichi une fois est un inconscient, qui récidive est un masochiste clinique.


Soixante-et-un tomes et il n'y a rien à en dire sur le fond, sur sa structure, sa narration, tout est bouffi de vide. C'est un manga d'arts-martiaux sans art et dont le caractère martial peut-être remis en question quand on observe vers quelles dérives sinue ce qui était au départ du Karaté. Le kaméhaméha n'était pas loin par moments. On sentait l'auteur rongeait par le besoin de démesure. Un manga de Karaté sans karaté. C'est une idée. Après tout, j'ai bien lu un manga de Go sans voir une seule partie de Go. Ça restait cependant un choix de la narration qui avait autre chose à offrir.
Gardez-vous cependant d'attendre davantage de Ken-Ichi. Le manga est une balafre en lui-même, en espérer plus, c'est en appeler à la septicémie.


Que fut ce manga après tout ? En quoi cette bouse spécifique se distingue-t-elle de tous ces étrons qui auront été excrétés du bout de la plume tordue de mangakas qui ne l'étaient pas moins ? Peut-être une ré-actualisation éminemment dispensable de Ranma 1/2 (la famille de Miu Furinji et son dojo dégage cette mauvaise impression que j'avais eu) dans ce que dégage le manga. En moins bien, c'est là le plus impressionnant.


Trop lourd, trop lent, trop long. Insupportable. Gâchis de papier, gâchis d'encre, gâchis de temps, gâchis de tout, une disgrâce de plus dans le monde du Shônen, mais une d'amplitude certaine. Une de celles dont je ne pourrais réellement critiquer le fond, faute d'une expertise suffisamment aboutie en la matière. Car pour commenter Ken-Ichi, il ne faut pas tant s'y connaître en mangas qu'en analyse de selles.
Ayant, pour ma part, l'odorat trop sensible, je m'empresse de tirer la chasse. Pour votre santé, adoptez les gestes barrière qui s'imposent. À ce titre, je vous enjoins à m'imiter dans ma démarche salutaire.

Josselin-B
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le 19 août 2020

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Josselin Bigaut

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