Nom d'un chien! Je n'aurai jamais mis autant de temps à finir une BD. Non pas que ce soit mauvais, bien le contraire, mais le fait est que j'ai acheté l'album en VO, et croyez-moi, l'argo anglais, c'est pas ce qu'il y a de plus simple à lire ! Cela fait donc 1 mois et demi que je parcours ce gros pavet que j'entrecoupe tout de même de Tuniques Bleues histoire de changer d'air.

Krazy Kat, j'avais envie de lire depuis bien longtemps. Seulement voilà, le hic c'est que les maisons d'éditions, surtout les francophones, ne proposent que des compilations assez chères. Alors que Krazy Kat est aujourd'hui libre de droit ! Aberrant ! C'est en fouinant dans une librairie à Amsterdam que je suis tombé sur cet exemplaire. Y avait pas mal d'autres choses intéressantes car moins cher qu'en Belgique, mais déjà payer 90 euros pour ce livre me semblait assez comme dépense vacancière (budget éclaté à cause d'une BD!). Mais tout cela valait le coup bien sûr. Ceci dit, je ne sais pas si j'achèterai les autres volumes, un seul devrait suffire. Quand je serai riche, j'y repenserai.

Krazy Kat et Ignatz Mouse, c'est avant tout un duo improbable. Trio en fait. Car il ne faut pas oublier Officer Pupp' qui prend de plus au plus de place au fil des pages. L'intelligence d'Herriman, c'est de détourner le schéma narratif habituel pour ce type de personnages-animaux ; le chien aime le chat qui aime la souris qui déteste le chat qui considère officer pupp' comme un ami. Triangle amoureux bien étrange. Le tout ponctué par un running gag : le lancer de brique de Ignatz sur Krazy. Dans cet album, les éditeurs ont décidé de placer quelques autres pages de BD que Herriman a fait. Notamment US Husbands qui est très drôle mais dont le running gag fonctionne moins bien car trop évident. Tandis qu'avec Krazy Kat, Herriman se creuse littéralement la cervelle pour renouveler ce même gag.

L'humour passe ainsi par des centaines de nuances différentes de l'absurde. On peut parfois parler de surréalisme que les décors changeant de case en case (ils ne sont alors là que comme repère par rapport à la ligne d'horizon) viennent renforcer. L'univers dépeint par l'auteur est riche en images et autres métaphores, à se demander où tout cela s'arrêtera. Krazy Kat était destiné à un public populaire et pourtant, en y regardant de près aujourd'hui, ce pourrait être l'inverse, c'est-à-dire pour un public plus élitiste tant les pages regorgent de subtilités et demandent beaucoup de bonne volonté pour aller jusqu'au bout.

Graphiquement, c'est franchement très beau, un dessin un peu brouillon mais toujours compréhensible, avec parfois de très beaux effets de lumière. Les expressions des personnages sont aussi épurées que la narration et pourtant on ne eprd pas une miette de leur subtilité. Le découpage est là où l'auteur impressionne le plus. A l'heure où la BD semble stagner dans des codes de mise en page, Herriman amène un vent de fraîcheur avec son audace et son originalité.

Krazy Kat, ce n'est pas juste des beaux dessin et des histoires drôles. C'est aussi un univers triste. Et oui. Parce que chaque page finit sur une frustration. Rares sont les histoires qui permettent au trio de personnages d'être heureux. Les amours des uns pour les autres se révèlent déjà impossible. Impossible par leur nature, par ce qu'ils sont. C'est pas triste ça? Et puis il y a cette violence qui vient contrer cet amour. Violence qui finit le plus souvent par triompher. Et les seuls moments où un personnage est heureux, c'est lorsqu'il est dans l'igonrance. Krazy ignore la haine de Ignatz envers lui. Lorsqu'officer Pupp' est heurex, souvent, il commet une bourde dont il n'est pas conscient. Le malheur est un grand ressort comique, c'est vrai, mais le monde dépeint par Herriman est finalement bien glauque et sous ces airs de comédies, Krazy Kat est une BD portant un regrad bien pessimiste sur notre monde. Pessimisme accentué par les petits gags du quotidien imaginés par Herriman au travers de ses autres BD (US Husbands ne fait jamais que nous montrer l'incompatibilité et pourtant le besoin de se retrouver entre un homme et une femme).

Bref, cet intégrale est d'une richesse étonnante pour notre époque encore ; le dessin, la mise en page et les histoires paraissent plus innovantes et plus frais que la production majeure actuelle. C'est donc une très bonne BD qui se lit très lentement ; si je suis très content d'avoir passé un mois et demi dessus, je suis aussi content de pouvoir passer à autre chose. Hourrah Herriman !
Fatpooper
10
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le 6 mars 2013

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