Le second tome de Showman Killer continue d’être une demi-surprise dans l’univers d’Alejandro Jodorowky – passages somnolents et hésitations proverbiales, la profusion empêche l’auteur de revenir lisser – tout en affirmant le plaisir de découvrir le très beau travail de l’artiste graphique, Nicolas Fructus.


Une première page pleine comme



une splendide peinture intergalactique,



plus détaillée, plus riche que l’ensemble du tome précédent, où l’impression Star Wars persiste dans la grandiloquence des décors probablement exigée par le scénariste, où l’on retrouve le travail également de Jodorowsky autour de Dune ; et le plaisir graphique est plus évident maintenant que l’œil s’est habitué au travail tout en peinture de Fructus.


Le scénario de ce second volume, space opera style assumé, développe la trame de fond autour de l’usurpation du pouvoir suprême tout en posant, en parallèle, le mythe de l’élu salvateur sur les deux personnages centraux, le Showman et l’enfant. Alejandro Jodorowsky, comme à son habitude, se transforme, intraitable assassin en homme au cœur tendre,



éduque l’humain qui sommeille là :



est-ce réellement une faiblesse de cette insaisissable machine à tuer que de se laisser séduire par la Sorcière Tatouée, que de se laisser envahir par les désirs de celle-ci, de succomber et de s’oublier ?


Au fil des pages, le montage est plus aéré et plus pertinent, plus efficace aussi. La disparité de certaines cases passe inaperçue tant Nicolas Fructus se révèle dans de grandes pages pleines de superbes et impressionnants décors de science-fiction sauce Jodo – mix d’influences du cinéma américain, Star Wars en tête dans de nombreux plans, dans la forme de la planète Okhar, mélange de Hoth et de l’Étoile Noire, dans la construction d’une Pan-Cité encore qui fait de la Suprahiérophante la Palpatine du récit ; mais Dune encore dans les étendues de sable et dans la fantaisie des costumes ; jusqu’aux Alien avec la zoomorphie des vaisseaux de combats galactiques. Enfin, au détour d’une poursuite perdue d’avance, l’auteur dévoile son intelligence graphique avec une idée sensationnelle, magnifiquement illustrée par son compère peintre : le héros encre la nuit sidérale.



C’est beau, soudain, comme l’envolée d’un opéra !



Thème central de l’œuvre du conteur, la famille apparaît, comme toujours, à la fois comme une classique coquille de protection, l’antre d’un entre-soi réconfortant, sécurisé, et comme l’association salvatrice toute puissante : c’est en se liant les uns aux autres, d’amour plus que de liens de sang, que l’espoir d’un salut luit. Luit, c’est bien le mot tant, tout à son plaisir délirant, Alejandro Jodorowsky s’amuse à compliquer la narration, à l’assombrir à l’envie, en tuant tout en le ressuscitant l’omnipotent Omnimonarque, ainsi qu’en apportant à l’improbable duo de personnages la révélation de leur mission dans un rêve éveillé aux voluptés sordides, pour mieux faire briller ses héros malgré eux.


Deuxième tome



riche de rebondissements, malgré l’aspect déjà lu,



la sauce prend et le plaisir de cette nouvelle association où le dessinateur s’impose doucement ne peut être nié. Malgré les ellipses toutes personnelles au scénariste, Showman Killer, avec l’impressionnant travail graphique de Fructus, s’impose comme une excellente série de science-fiction. Dont on attend dorénavant le troisième et dernier tome pour, au choix, regretter le manque de créativité et de renouvellement d’Alejandro Jodorowsky ou saluer l’audace et la surprise d’un auteur qui sait se remettre en question.
Dont on attend le dernier tome également pour le plaisir pictural, rare.


      Matthieu Marsan-Bacheré
Matthieu_Marsan-Bach
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Créée

le 29 mai 2016

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