Mission spéciale, humour en permission

Dans L'Envoyé spécial, nos braves Tuniques Bleues, Chesterfield et Blutch, repartent au combat, mais cette fois, le vrai champ de bataille semble être l’humour qui ne décolle pas. Cette 65ᵉ mission tente d’insuffler un souffle nouveau à la série culte, mais finit par trottiner sur place, comme un cheval fatigué de trop tirer la charrette.

Le scénario signé BéKa nous envoie dans une intrigue où nos héros doivent accompagner un journaliste sur le front de la guerre civile américaine. Une idée prometteuse sur le papier, mais qui peine à se concrétiser pleinement. On espérait des dialogues incisifs, des situations cocasses et des punchlines dignes des grandes heures de la série, mais l’ensemble reste tiède, oscillant entre la comédie légère et des tentatives d’enjeux plus sérieux qui n’aboutissent jamais vraiment. Blutch fait quelques blagues grinçantes, Chesterfield se débat dans ses habituels coups de sang, mais on a cette impression persistante qu’ils sont un peu en pilotage automatique.

Côté dessin, José-Luis Munuera livre une copie correcte et dynamique, avec des personnages expressifs et des décors soignés. Mais ce soin visuel ne parvient pas à faire oublier un récit qui manque d’âme. Les gags visuels, autrefois une marque de fabrique de la série, tombent un peu à plat, et l’ensemble paraît trop sage pour une série qui, dans ses heures de gloire, n’hésitait pas à dynamiter les conventions.

En fin de compte, L'Envoyé spécial ressemble à une lettre envoyée à la hâte : on reconnaît la signature, mais le message laisse perplexe. Les Tuniques Bleues, autrefois fers de lance d’un humour mordant, semblent ici désarçonnées, tiraillées entre modernité et nostalgie. Peut-être est-il temps de les envoyer en permission prolongée pour leur redonner un peu de leur éclat d’antan. Pour l’heure, Blutch et Chesterfield sont en mission, mais nous, lecteurs, restons sur le carreau.