Fabien Vehlmann, le prolifique scénariste de « Seuls » et le dernier repreneur de « Spirou et Fantasio » avec Yoann, s’essaye régulièrement à des séries moins ambitieuses ou des one-shot avec des dessinateurs talentueux mais méconnus, ce qui fait deux raisons supplémentaires de l’apprécier. « Des lendemains sans nuages », « Green Manor » et « Jolies Ténèbres » pour ne citer qu’eux, représentent ce qu’il a fait de mieux en la matière. Il a publié en septembre 2013 avec le dessinateur Sagot le premier tome d’un diptyque : « Paco les mains rouges », qui faisait même parti de la sélection officielle d’Angoulême 2014.


Scénario : A l’heure où certains veulent rouvrir le bagne de Guyane pour les djihadistes, on suit tout au long de l’histoire ce fameux Paco, un prisonnier envoyé à ce fameux bagne, bien connu pour ses conditions de vies infernales. Grâce à son esprit débrouillard, il échappe dans cette première partie aux travaux les plus difficiles, comme ceux dans les camps forestiers, et va même s’amouracher d’un autre détenu… Le récit propose un point de vue bien documenté sur le quotidien de ces bagnards que La France condamnait en les envoyant là-bas. En effet, les détenus n'y survivait en moyenne que cinq ans. Mais le scénario s’intéresse tout particulièrement à la psychologie de son personnage principal, qui la fait déborder de son cadre classique. Tant mieux.


Dessin : Signant l’un de ses premiers albums, Sagot est doté d’un trait d’une élégance indéniable. Les visages ont beau être extrêmement simples et parfois un peu trop dénués d’expressions, ils sont tous aussi marquants les uns comme les autres. Les décors ne manquent eux aussi pas de charme, sans traits à la règle. Les quelques plans de la jungle environnante y sont vraiment remarquables, tout comme la mise en couleur qui fait littéralement vivre le dessin de l’auteur.


Pour : Le lecteur accède à l’esprit du personnage principal à travers une voix-off omniprésente et, pour une fois, réellement intéressante. En plus de donner un caractère et une voix à un personnage qui ne parle quasiment jamais, elle est pour le moins intrigante, puisqu’elle s’adresse à un personnage inconnu que l’on découvrira seulement dans le second album…


Contre : … Parce que cette série est un diptyque, ce qui est clairement injustifié et presque abusif. Avec ce format plutôt réduit, passer d’une cinquantaine à une centaine de pages en y rajoutant un cahier graphique plus complet n’aurait fait de mal à personne, bien au contraire. Choix délibéré des auteurs pour marquer une rupture dans le récit avec un deuxième album qui s’annonce bien plus sombre, ou choix de l’éditeur, à la fois apeuré par un prix trop élevé en un seul album et alléché à l’idée de mieux rentabiliser l’affaire en deux ouvrages ? C'est d'autant plus gonflé que cela n'est même pas indiqué sur la couverture, si ce n'est un minuscule "1" en haut de la reliure.


Pour conclure : Sous bien des aspects, « Paco les mains rouges » se rapproche du film « Papillon », se passant aussi au bagne de Guyane, avec l’incroyable duo Steve McQueen et Dustin Hoffman. Mais en explorant l’esprit torturé de Paco, Vehlmann et Sagot nous livre un témoignage plus vrai que nature d’un condamné à perpétuité.

Marius_Jouanny
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le 24 janv. 2015

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