Rangez les Stetson, sortez les kippas, Lucky Luke se met à l’heure juive

Critique et extraits sur: https://branchesculture.com/2016/11/10/lucky-luke-terre-promise-juifs-jul-achde/


On a encore peine à le croire: en septante ans de carrière passée à tirer plus vite que son ombre, Lucky Luke n’avait jamais été confronté à la migration des Juifs dans son pays! Un rendez-vous manqué qui ne l’est plus avec l’arrivée de Jul dans l’univers du « poor lonesome cowboy » qui se retrouve guide de luxe pour un petit peuple du livre qui a encore bien des choses à apprendre sur l’Ouest sauvage et ses dangers que la Torah ne dit pas!


Résumé de l’éditeur: Jusqu’alors, l’homme qui tire plus vite que son ombre avait déjà côtoyé de sacrés originaux. Un prince russe dans Le Grand Duc, un aristocrate anglais dans Le Pied-Tendre, un psychanalyste viennois dans La Guérison des Dalton… Mais lorsque son copain Jack-la-Poisse le supplie de s’occuper de ses parents (à qui il n’a pas osé avouer qu’il était cow-boy et qui le croient avocat à New-York), Lucky Luke n’écoute que son coeur.


Le cliché veut qu’il y ait toujours un Jacob dans les histoires mettant en scène de Juifs. Pourtant, Jul et Achdé ont déniché la perle rare car ce Jacob-là, s’il est juif, n’est pas pratiquant et n’est pas l’avocat dont sa famille est si fière. Non Jacob a choisi comme nom de selle et de colt le diminutif Jack très vite assorti du quolibet la-poisse. Car oui Jack est le cowboy le plus malchanceux de l’Ouest. Mais la chance semble tourner et un contrat pour escorter un troupeau de 4000 bêtes vient de lui être proposé. Un contrat qui tombe à pic… enfin non… puisque La-Poisse avait promis à sa famille, émigrant, de les mener à bon port à Chelm City dans le Montana.


Heureusement, l’ami Lucky est là et Jack entend bien le convaincre de jouer les guides pour ces drôles d’oiseaux que sont les Stern. Peut-être cela vaut-il mieux d’ailleurs, car des clichés que traînent la petite troupe aux bandits de grand chemin en passant par les Indiens féroces et les canyons escarpés, il faudra beaucoup de chance pour ne pas perdre de plumes et arriver à temps à la Bar-Mitsvah du petit dernier.


Jouant à fond la carte du sang neuf, Jul n’hésite pas à amener un peu de fraîcheur dans l’ombre du cowboy mythique, et des personnages jamais vus dans l’oeuvre de Morris, Goscinny et leurs repreneurs. Une idée en or (et Dick Digger n’est même pas dans le coup) que le scénariste de Silex and the city exploite à fond avec un plaisir non dissimulé. Non dissimulé comme les clichés avec lesquels Jul jongle, les tirant un peu plus vers l’absurde et le désopilant.


Aussi bon dans le court terme que le moyen terme, le scénariste réussit à mener sans ennui son cowboy au terme des 46 planches traditionnelles tout en parvenant à trouver des petites chutes à pas mal de planches. Sans fioriture, avec un bon mot, une réflexion de Jolly Jumper (qui se trouve renommé ici Jumberg) ou un bouton qui saute du pantalon de Luke. D’ailleurs n’aurait-il pas un peu grossi? Il faut dire qu’entre les moments critiques où notre héros doit jouer aux cowboys et aux Indiens et faire un peu sport pour tirer ses compagnons des pièges tendus par les brigands, il peut aussi compter sur un repas jusqu’à-plus-faim, le soir venu.


Jamais, Lucky Luke n’a été aussi chouchouté et Rachel Stern se révèle être une véritable maman de substitution, bien pire qu’une mamma à l’italienne! Et comme Luke fait figure de gendre idéal, Rachel le houspille un peu pour qu’il sorte avec Hanna Stern, vingt ans et toute timide. Autre chose que le turbulent frérot Yankel, polisson et aventurier sur les bords.


Aux « shalom », les violons déchirants, les danses typiques et bénédictions intempestives; s’ajoute une pincée de bêtise dans le chef des deux méchants qui convoite le pseudo-trésor des nouveaux arrivants qui ne passeront pas à la postérité mais qui mettent un peu de piment drôlatique dans le bagel. Disséminant les références, Achdé est irréprochable et trouve dans le scénario de son nouveau compagnon de quoi varier les plaisirs (animaliers, notamment) et donner vie à une histoire pittoresque et dynamique. Mazel tov!

Créée

le 10 nov. 2016

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