Les Déserts Intimes se Reflètent dans l’Imaginaire qu’On se Fait de l’Autre

Troisième tome de la nouvelle série de Frederik Peeters, Aâma continue de promener le lecteur entre intrigue et fascination, vers la révélation de ce qui se trame d’expériences sur cette planète déserte. Verloc et Lilja, Conrad, Rajeev et Churchill, survivants de l’agression des hybrides technonaturels de l’expérience Aâma, tentent de quitter le territoire contaminé.


Le dessin de l’artiste est superbe ! Précis et attaché aux détails, rigoureusement travaillé. Chaque case, sans exception, dénote d’une méticulosité rare, rigoureuse et claire, lisible dans l’action même dans le chaos des évènements et l’enchevêtrement de nature surabondante et agressive qui sert de décor une partie de l’album. L’art de Frederik Peeters est bien là, de mêler son attachement aux détails graphiques et silencieux de l’environnement autant que des hommes et de leurs relations, et qui fait l’épais corps du récit, palpable et palpitant, haletant.


Dans une fuite rythmée de dangers autant que d’obstacles à travers la multitude invisible d’une nature expérimentale qui prend possession de la planète, sur les frontières floues de la réalité et du rêve, souvenirs et visions, la narration interroge sur l’opposition d’un réel rationnel et de l’imaginaire lié à l’onirique, entre transport et confort, entre une complexe science futuriste portée vers d’importants enjeux mystérieux et l’urgence des sentiments et des conflits intérieurs simples et douloureux du héros, le récit fluide ramène la technologie face aux responsabilités de l’homme, face aux incessants risques du progrès qui trop souvent oublie l’humanisme essentiel à préserver.
« Les humains rêvent… Moi je n’ai que ma raison… » dit Churchill, le singe robotique qui l’accompagne, à Verloc. « La raison comme une camisole de l’esprit… » répond-il.


Frederik Peeters donne à Aâma l’ampleur philosophique qui tend vers l’œuvre. Un dessin exigeant mais superbe. Un scénario fluide, palpitant et interrogatif, qui amène à réfléchir. Qui joue des miroirs symboliques pour isoler les personnages dans le désert de leurs interrogations intimes. Les dernières pages de l’épisodes closent la première partie de l’aventure, Verloc Nim intègre Aâma autant que le lecteur, et part l’attendre vers le prochain épisode.


   Matthieu Marsan-Bacheré
Matthieu_Marsan-Bach
8

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le 7 nov. 2015

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