Depuis des dizaines d’années, on se demande toujours comment les scénaristes arrivent encore à s’attaquer au genre western sans que la démarche ne soit vaine ou inutile. Si le cinéma nous gratifie encore de quelques bons westerns de temps en temps, cela fait bien longtemps que le Far-West sur grand écran n’est plus très présent. Reste la bande dessinée, qui arrive à faire de séries de westerns de véritables succès commerciaux, nombreux et solides. « Rouge comme la Neige » de Christian de Metter par exemple était un western éblouissant l’an passé, l’un des albums les plus marquants de 2014. Cette année, Xavier Dorison revient au triple galop avec une nouvelle série de Western : « Undertaker ». Et croyez-le, elle est bien partie pour durer.


Scénario : Jonas Crow est un croque-mort. Pas celui de Lucky Luke, blanc comme un linge et ressemblant étrangement au vautour qui l’accompagne, mais plutôt un Blueberry au cynisme pur, qui rend ses services funéraires dans les belles contrées sauvages des Etats-Unis. Il est confronté dans l’album à un cadavre plutôt atypique, puisque rempli de pépites d’or. Inutile de dire qu’il attire bien des convoitises… Un premier tome parfaitement délectable, qui ne se contente pas d’exposer ses principaux personnages mais de les confronter très rapidement aux complications, dans un déluge de rebondissements millimétrés. Tout cela enrobé dans une mise en scène percutante et inventive, qui est la meilleure preuve de l’expérience du scénariste. Encore un sans-faute pour Dorison, qui n’ignore pas les différents clichés du Western préférant les détourner plutôt que de les éviter.


Dessin : Si Dorison n’a pas beaucoup lu « Blueberry », le dessinateur Ralph Meyer est un grand fan de la série, et ça se sent. Son style est donc très largement influencé par Jean Giraud, mais c’est dans ses distinctions avec Blueberry que les planches d’Undertaker deviennent intéressantes. Les décors de Meyer par exemple sont bien plus épurés que ceux de Giraud, ce qui est loin d’être un défaut. On connaît les environnements de saloon de déserts ou bien de ravins et de déserts, le dessinateur n'a donc pas besoin d’y rajouter moult détails, pour mieux se concentrer sur l’essentiel : les personnages et l’ambiance générale des séquences, remarquables, notamment grâce à une mise en couleur de qualité.


Pour : Si la suite de la série est aussi prometteuse, c’est en grande partie grâce à la psychologie de Jonas. Il comporte une part d’ombre assez évoquée dans ce premier tome pour qu’on comprenne qu’elle sera très importante par la suite. Loin de développer un héros manichéen, Dorison nous montre un personnage bourré de contradictions, à la fois misanthrope et humaniste, violent et sensible. C’est souvent ce qui manque aux récits de western, l’argument est donc loin d’être négligeable. A noter cette fois-ci 8 pages d’esquisses du dessinateur assez conséquentes, en tout cas plus que celles de « Luttle Tulip ».


Contre : Les ennemis qu’affrontent Jonas dans l’épisode ne sont eux non plus pas manichéens, puisqu’il s’agit de pauvres mineurs exploités et de shérifs au service de la loi. Et si Jonas leur tire dans les jambes dans un premier temps, il n’hésite pas à aller plus loin alors que ses adversaires sont loin d’être des machines à tuer. Ou comment entretenir une ambiguïté morale qui pourrait en gêner certain…


Pour conclure : Entre « Ulysse 1781 » début janvier et « Undertaker » fin janvier, Dorison lance deux séries au long court, dont on ne connaît pas le nombre d’albums avant leur conclusion. S’ils n’ont rien d’incroyables dans leur scénario, les univers développés sont indéniablement marquants. Le scénariste ne cache donc pas son ambition sur l’ampleur de ces deux séries, et le lecteur son enthousiasme.


Ma critique du tome 2 : http://www.senscritique.com/bd/La_Danse_des_vautours_Undertaker_tome_2/critique/68146520


Ma critique de "Asgard" :
http://www.senscritique.com/bd/Le_Serpent_Monde_Asgard_tome_2/critique/73180900


Ma critique "Long John Silver" :
http://www.senscritique.com/bd/Guyanacapac_Long_John_Silver_tome_4/critique/38823636

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le 21 févr. 2015

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Marius Jouanny

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