Le Tombeau ouvert de Secottine

La série officielle de Spirou et Fantasio est au plus bas. En effet, les ères Morvan et Munuera et Yoann et Velhmann peinent à redonner au duo des histoires intéressantes et des personnages attachants (seuls les albums L'Homme qui ne voulait pas mourir de M&M et Dans les griffes de la vipère de Yoann et Velhmann sont fait avec talent).

On ne peut donc compter que sur les hors-séries tentant de redonner à Spirou des aventures dignes de son nom. Parmi eux, les hors-séries appelés Une aventure de Spirou et Fantasio.

Ce fut le cas avec l'un d'entre eux appelé Le Tombeau des Champignac créé par Tarrin et Yann.

La première chose importante dont se sont assurés les deux auteurs en créant cette aventure est qu'il n'est pas nécessaire d'être Spirouphile pour s'imprégner de l'histoire de l'album contrairement à d'autres continuités hors-série comme Spirou selon... faisant trop souvent référence à la continuité officielle et leurs albums originaux au point qu'on se sent trop déconcertés si on n'a pas lu les albums de ces périodes.

Ainsi, on peut profiter pleinement de l'histoire sans se sentir perdus si on est en pleine découverte de l'univers de Spirou et Fantasio.

D'ailleurs puisqu'on parle de l'histoire, que raconte l'album?

L'explorateur Zanskar mène une expédition dans les montagnes tibétaines à la recherche de ce qui semble être une rareté de valeur. Mais l'expédition se révélant trop dangereuse, les membres abandonnent cette dernière.

C'est alors qu'une personne suggère à Zanskar de faire appel au Comte de Champignac pour que ce dernier lui permette de trouver ce qu'il cherche.

La première bonne chose de cet album est que le vrai personnage principal de l'histoire est Seccotine. En effet, si, contrairement à beaucoup d'univers de bds francophones majoritairement masculins, Spirou et Fantasio n'hésitait pas à nous montrer ses héros côtoyer la gente féminine, cette dernière n'était reflétée que via le point de vue masculin même si elle montrait des personnages féminins appréciables.

Or, dans Le Tombeau des Champignac, c'est, en grande partie, le point de vue de Seccotine qui est mis en avant pour nous montrer les héros et leurs actions via son point de vue ainsi que son audace pour attirer leurs yeux sur elle. Cela au point qu'elle court entre deux lièvres durant toute l'aventure. On se retrouve ainsi avec le sujet de la sexualité que Tome et Janry avaient déjà abordé dans l'album Luna Fatale.

En ce qui concerne l'aventure elle-même, elle est vraiment très appréciable et, surtout, plaisante pour bien des raisons. Déjà, le dessin est un joli mélange entre les traits de Franquin et ceux de Tome et Janry: plus particulièrement en ce qui concerne Seccotine dont l'allure alterne entre femme sensuelle et femme-enfant. Il y a également de l'humour digne de celui de Franquin nous montrant les personnages fidèles à eux-mêmes: plus particulièrement Fantasio au top de sa forme niveau grincherie et maladroit en mode monsieur-tout-le-monde et non pas en boulet irritant comme il l'avait été durant certaines ères de la continuité officielle.

Par contre, dans cet album, Champignac est exagérément clownesque Tarrin et Yann ayant mis plus mis en avant son côté farfelu que sa personnalité de scientifique brillant. Dommage!

En ce qui concerne le déroulement du récit lui-même, son intrigue est plus proche de celle d'une intrigue fantastique avec de la magie digne de l'ère Fournier que d'un album avec de la science mycologique. Ce qui fait qu'elle peut être difficile à apprécier pour les lecteurs aimant les albums plus terre-à-terre des ères Franquin et/ou Tome et Janry.

De plus, autre chose assez énervante, le fait que la zorglonde montrée comme une invention dangereuse dans de nombreux albums soit utilisée plus pour faire des blagues que pour montrer le lavage de cerveau comme étant une chose monstrueuse.

De plus, le fait que l'album nous inflige des clichés bien peu flatteurs sur les tibétains est bien plus qu'énervant.

Et n'oublions certains passages avec Fantasio. Certes, la plupart sont très drôles montrant la maladresse du personnage qu'on aime tant mais on sent qu'ils sont plus là pour faire durer l'album afin que celui-ci atteigne le nombre de pages requis pour être vendable.

Ceci dit, cette maladresse est compensée par de l'action et des passages de tension parfaites pour une histoire d'aventure digne de ce nom. Et cela, alors que dans cette dernière, il n'y a aucun méchant: chose étant rarement arrivée dans Spirou et Fantasio.

Sans compter des scènes de chamaillerie très drôles entre Fantasio et Seccotine dignes de l'habituel "je t'aime, moi non plus" que l'on voyait dans d'autres albums.

Bref Le Tombeau des Champignac est, malgré quelques hics, un album très plaisant permettant à Spirou de rester digne de lui-même malgré une époque où les choses étaient mal partis pour qu'il le reste.