Entre l'Éblouissement et la Frustration

"Il était une fois en Sibérie", ma foi, une œuvre étonnante, à la manière de ces récits que l'on dévore pour le simple plaisir de l'observation, à défaut d'une analyse profonde. Les dessins d'Igor Kordey sont une fresque admirable de la réalité sibérienne pendant la Seconde Guerre mondiale, une fresque qui crève les yeux, ou plutôt qui vous transperce le cœur. On se noie dans le détail de cette froideur implacable, une noirceur bien palpable, comme si le froid s'invitait dans notre chair à chaque page.

Pourtant, voilà, le scénario de Kris, il est là, solide comme un roc, mais parfois, on dirait que c'est un chemin déjà tracé, sans surprise, sans le bruit du tonnerre dans la steppe sibérienne, sans la brusquerie des éléments. Les personnages, bien dessinés, bien décrits, et pourtant, ils se fondent parfois les uns dans les autres, comme autant d'ombres dans cette nuit interminable.

Oui, c'est bien cela. "Il était une fois en Sibérie" est un regard acéré sur une époque tourmentée, mais il n'ose peut-être pas tout dire. Les douleurs et les dilemmes moraux, ils sont là, en filigrane, mais on aurait aimé que Kris les explore plus en profondeur, qu'il les mette à nu, qu'il nous les serve avec ce tranchant, cette brutalité que l'on attend dans une Sibérie aussi impitoyable que l'écriture de Céline.

En somme, "Il était une fois en Sibérie", c'est une fresque visuelle percutante qui vous saisit à la gorge, mais peut-être trop timide dans sa narration, trop retenue dans son exploration des tourments de l'âme humaine. On y reconnaît la dureté de la vie en Sibérie, mais on en attendrait davantage, cette sauvagerie littéraire qui fait chavirer les tripes. Une œuvre à découvrir pour sa mise en scène historique, mais qui ne vous entraînera pas dans les méandres insondables de l'âme humaine à la manière d'un Céline.