Pour la première fois depuis Rite de Passage, troisième tome de la série Jedi, le trio Ostrander-Duursema-Anderson prend en charge un album entier, adapté de Republic aux USA en Clone Wars tome 4 : Lumière et Ténèbres dans l'Hexagone. De quoi réjouir le fan que je suis, surtout vu la qualité de leur travail sur les trois albums précédents !


Le résultat est-il à la hauteur de mes attentes ? Oui par certains aspects, non par d'autres… braquons donc les projecteurs sur Lumière et Ténèbres.


Comme Mémoire Obscure, l'album s'ouvre sur Nar Shaada, capitale galactique du crime, où Quinlan Vos, alias Korto, fait son boulot d'espion en livrant de fausses informations à des agents séparatistes… lorsque des soldats clones menés par le maître jedi Agen Kolar font irruption et le mettent en état d'arrestation. Kolar accuse Vos d’être un agent-double (duh!) au service de la CSI (oh, ok…) et d'avoir simulé sa capture sur Brentaal IV dans le tome 2 pour mieux piéger les forces républicaines, et notamment celles de Kolar qui y a perdu beaucoup d'hommes.


Il y a forcément anguille sous roche, mais nous savons que Quinlan a toujours eu du mal avec l'autorité, et qu'il n'était pas certain du bien-fondé de cette guerre, ce dont il ne se cache pas face au rigide Kolar… pas le temps de se poser trop de questions, la jeune Khaleen Hentz du premier album arrive à la rescousse et se sacrifie pour permettre à l'homme qu'elle aime de s'échapper. Pendant que les clones capturent Khaleen, les deux jedi se livrent à une course-poursuite dans le paysage de canalisations rouillées de Nar Shadaa puis se livrent bataille, avant que le renégat ne fasse diversion avec des piliers de bar.


Pour info, Agen Kolar apparait durant la bataille de Géonosis dans l'Épisode II, avant d'être promu au conseil des jedi dans l'Épisode III où il est le premier à tomber sous les coups de Dark Sidious… mais peut-on m'expliquer comment une brute préférant se laisser à une vulgaire rixe avec des ivrognes plutôt que poursuivre une cible potentiellement VITALE à l'effort de guerre républicain a pu accéder au conseil ??? Ses opposants ont raison, l'ordre jedi est vraiment tombé bien bas…


Enfin, Vos s'est échappé, mais nous apprenons ce que nous soupçonnions tous déjà : c'est une ruse orchestrée par lui et Tholme pour infiltrer les rangs de la CSI, ce dont seuls Yoda, Mace Windu et Ki-Adi-Mundi sont au courant. Il faudra cependant attendre pour en savoir un peu plus sur le pourquoi du comment, car le récit bascule alors complètement sur Aayla Secura, en orbite de la planète Devaron. Aayla ne souhaite bien sûr qu'une chose : payer sa dette envers son ancien maître et le sauver de l'emprise du côté obscur, maisTholme la rappelle à son devoir immédiat.


Malheureusement, celui-ci est beaucoup moins passionnant que la fausse trahison du jedi aux dreadlocks : Aayla, Tholme, Kit Fisto, T'ra Saa (dont c'est la première apparition depuis Ténèbres) et La Femme Sombre sont chargés d'identifier un traître au sein du gouvernement dévaronien, qui renseigne les pirates séparatistes sur les routes d'approvisionnement de la République. Il y a quelques scènes amusantes, notamment lorsqu'Aayla prétend être une starlette écervelée et Tholme son majordome Croft (joli clin d'œil aux origines du personnage) mais l'intérêt du récit est évidemment dans la présence d'Aurra Sing, chasseuse de prime apparue furtivement dans La Menace Fantôme, obsédée par le meurtre des jedi et notamment de son ancienne mentor, la Femme Sombre.


Aayla et Aurra se livrent un très long duel plutôt bien rythmée, mais sans grand intérêt : cela fait depuis Rite de Passage que nous savons que, contrairement à Quinlan Vos, Aayla Secura est incorruptible ; de même, ses échanges avec Aurra n'apportent rien de nouveau sur ce personnage tragique et psychotique qu'Ostrander et Davide Fabbri avaient déjà exploré quelques années plus tôt. Ces planches ne sont pas désagréables mais n'apportent rien de nouveau. Pire, les flashbacks sur le passé commun d'Aayla et Quinlan paraissent un brin forcés. De plus, le dessin de Duursema et les couleurs soudain plus pâlichonnes d'Anderson accusent pour la première fois quelques menus signes de faiblesses…


Bref, Aurra est battue et envoyée sur la planète carcérale Oovo IV, le traître est identifié, et nous allons pouvoir passer aux choses sérieuses : la mission d'infiltration à haut risque de Quinlan Vos. Mais auparavant, le comte Dooku a droit à sa première grande scène en bandes dessinées, où il fait preuve d'une surprenante clémence envers plusieurs jedi capturés, notamment mon amie Jeisel que les crimes de la CSI ont fait changer d'avis depuis La Défense de Kamino. La mansuétude peut être un arme, explique-t-il à son nouveau lieutenant Sora Bulq qui fait lui aussi son retour et semble irrémédiablement plongé dans le côté obscur, lui qui est prêt à exécuter ses ex-collègues désarmés. En effet, la rumeur de la générosité du Comte se répandra, et poussera d'autres jedi à se poser des questions… c'est une formidable réintroduction à un personnage qui sera, disons-le, LA star de cet album. J'ignore si le grand Christopher Lee, paix à son âme, lisait des comics, mais il aurait été heureux du traitement qu'Ostrander va ici lui accorder.


S'ensuit un excellent montage, où Vos et Tholme expliquent leur plan à Mace Windu : jouer sur la réputation sulfureuse de Quinlan pour en faire une taupe particulièrement crédible. Le plan ne plaît guère à Windu, dont l'ex-apprentie Depa Billaba vient elle aussi de basculer du côté obscur dans le roman Point de Rupture, mais la guerre s'éternise et la République a désespérément besoin d'informations. En parallèle, nous voyons Quinlan marcher en silence, le visage encore plus sombre que d'habitude, au milieu des ruines de la planète Antar IV (chiffre porte-bonheur de SW) et de la population qui y mendie tout en le regardant avec haine, et on se dit que sa couverture paraît décidément très réelle…


Dès lors, la "Lumière" du titre fait de plus en plus place aux "Ténèbres" : c'est une véritable plongée dans l'abîme à laquelle se livre l'espion jedi, contraint de marcher en permanence sur le fil du rasoir. Lorsqu'il s'agit de piocher dans le vaapad, cela reste raisonnable ; exécuter la taupe-musaraigne Tookarti, passe encore ; contribuer à un sanglant coup d'état sur Tibrin, admettons… mais bientôt Quinlan doit assister impuissant à la torture à mort de sa collègue jedi Shylar ! Le Kiffar est à bout ; pire, il commence à haïr Dooku, à vouloir sa mort… tout en reconnaissant être séduit par son charisme et ses idées. Ostrander excelle à montrer cette évolution, car nous savons à quel point Quinlan est vulnérable à ce stade. Après leurs petits errements de l'histoire précédente, Duursema et Anderson aussi sont au sommet de leur forme, la première de par son trait particulièrement acéré, le second par sa palette sombre et immersive.


Seul rayon de soleil : Khaleen, libérée et employée comme intermédiaire avec Tholme, et que Quinlan finit par embrasser. La différence d'âge est un peu craignos, c'est presque comme si Wolverine embrassait Raven, mais ce pauvre Vos a désespérément besoin de soutien… surtout lorsque Dooku et lui partent pour sa planète natale Kiffu, où le Sith espère convertir la dirigeante locale, notre vieille connaissance Shey Tinte, à la cause séparatiste.


Dès lors tout s'accélère : Tinte pousse la présomption jusqu'à tenter d'arrêter Dooku, qui en retour déchaîne ses terrifiants pouvoirs sur les troupes kiffares. Quinlan Vos n'a alors d'autre choix que de mettre bas les masques pour sauver sa grande-tante. Mais Dooku les rattrape et force Tinte à révéler ses plus sombres secrets : que c'est elle qui a fait venir les Anzatis sur Kiffex avant les événements de Ténèbres et qu'elle a commandité le meurtre des parents de Quinlan dans l'espoir d'obtenir sa garde, avant que les jedi ne lui grillent la politesse. Fou de rage, poussé par Dooku, Vos se saisit de son sabre et tue Tinte. Son voyage vers le côté obscur est maintenant achevé.


Cette séquence sur Kiffu me donne toujours la chair de poule ; c'est l'une des plus sombres et des plus cruelles de tout SW, le point culminant de plusieurs années de cette danse perpétuelle entre "lumière et ténèbres" qui faisait tout le charme du personnage de Quinlan Vos. Dans un monde parfait, l'album se terminerait sur cette note incroyablement tragique : Quinlan Vos embrassant son propre côté obscur, la main de Dark Tyranus sur l'épaule… mais non.


En guise de conclusion, Ostrander, Duursema et Anderson sautent de plusieurs mois dans le temps. Quinlan Vos est effectivement enfoncé plus profondément dans le côté obscur de la Force que jamais : sourire carnassier aux lèvres, lueur mauvaise dans les yeux, il n'hésite plus à faire appel aux méthodes les plus contestables pour exécuter les ordres de son maître, en l'occurrence récupérer un holocron sur la planète natale des Sith, Korribban. Sauf qu'encore une fois tout n'est pas ce qu'il semble être : Quinlan dit juste "s’être enfoncé un peu plus profondément dans l'obscurité", sans avoir basculé complètement.


En effet, il est rongé par la culpabilité d'avoir tué Tinte, ce qui donne lieu à une séquence de rêve particulièrement grotesque dans laquelle le spectre de Tinte se transforme en Dooku. C'est également à cette occasion que nous en apprenons un peu davantage sur les motivations réelles de Quinlan : identifier le "deuxième sith" derrière Tyranus et le tuer. Pourquoi Quinlan pense-t-il que cela aura-t-il une plus grande différence que le meurtre du Comte lui-même ? Mystère. Mais telle est l'arc narratif qu'Ostrander va faire prendre à son personnage pour la demi-douzaine d'albums à venir…


De façon tout aussi abrupte, Vos en vient à suspecter un sénateur lambda nommé Viento – pourquoi lui et pas Palpatine en personne ? Et que cherche Dooku ? Tuer Viento ? Si oui, pourquoi ? Ou tuer Palpatine ? Tuer son propre maître par l'entremise d'un simple acolyte ? Bref, tout cela est très confus… toujours est-il que Quinlan infiltre l'appartement de Viento et l'assassine, avant d'affronter son ex-collègue K'kruhk – encore un rescapé de La Défense de Kamino – au beau milieu de la circulation coruscantienne, bref combat dont le Kiffar sort vainqueur, laissant K'kruhk s'écraser bien plus bas. Le Whipid s'en sort avec des côtes cassés, laissant Yoda, Mace Windu et Tholme se mordre les doigts d'avoir attribué cette mission-suicide à Quinlan Vos…


Si tout l'album était du niveau de sa partie centrale, ce serait un 9 voir un 10 facile. Malheureusement, le chapitre consacré à Aayla et surtout celui à la fin le tirent vers le bas, car ils paraissent tous deux assez inutiles. Surtout, je n'aime franchement pas le tour pris par le dernier chapitre, à savoir que Quinlan mène son propre jeu : Luke Skywalker a commis exactement la même bêtise dans L'Empire des Ténèbres, c'est donc un piteux manque d'originalité de la part d'Ostrander, dont les conséquences allaient malheureusement continuer à se faire sentir.


Mais baste, ça ne pose pas trop de problèmes à l'album en lui-même ; simplement, que ne donnerais-je encore aujourd'hui pour qu'il s'achève sur ce plan de Quinlan et Dooku marchant "main dans la main" vers l'obscurité… ces deux personnages sont vraiment le point fort de Lumière et Ténèbres : le premier parce que c'est en quelque sorte l'apogée de son odyssée, le second parce que contrairement à ses apparitions dans les films, il est vraiment en mesure de déployer ses ailes et de montrer ce dont il est capable, à savoir faire preuve d'un niveau de machiavélisme jusque-là réservé au seul Empereur Palpatine ! Cette version de Dooku fait honneur à Sir Christopher Lee et me fait regretter qu'il n'ait pas été davantage utilisé dans les films. Mais on ne peut pas tout avoir !

Szalinowski
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le 20 mai 2019

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