Maus est un monument de la bande dessinée. Cela étant posé, intéressons-nous au pourquoi de cet avis.


La saga est un incessant va-et-vient entre les années 70-80 et les années 40 : Artie, dessinateur, souhaiterait faire une œuvre sur le destin des juifs durant la seconde guerre mondiale. Et pour ce faire, qui pourrait mieux l’aider que son propre père, Vladek, un juif polonais rescapé d’Auschwitz-Birkenau. On suit donc les histoires parallèle de Vladek au temps de sa jeunesse, voyant la situation se dégrader encore et encore pour son peuple, et la quête d’Artie, cherchant à arracher les souvenirs de son père récalcitrant.


Là où la saga est forte, c’est qu’elle fait croiser l’histoire avec l’Histoire : ainsi, on suit vraiment le quotidien de Vladek, un juif polonais parmi tant d’autre. Point ici de grands débats, de martyr, de charges contre untel ou untel. Vladek fait tout ce qu’il peut pour survivre et si par certains de ses actes, il a contribué à allonger significativement son espérance de vie, c’est au final la chance, et rien d’autre, qui détermine qui survivra ou qui moura. On est loin ici de l’histoire stéréotypée, certains allemands sont plutôt bons, certains juifs le sont très nettement moins. Et l’on suit avec tout autant d’intérêt les déboires d’Artie face à ce père qu’il n’arrive pas à comprendre, acariâtre et avare.


Autre point fort, le style du dessin, noir, épuré, sobre. Pas de fioritures qui dénatureraient un propos qui se suffit à lui-même. Le style graphique est réellement au service de l’histoire, et s’efface parfois pour ne point en dénaturer la force.


Le trait de génie, c’est l’animorphisme. Maus (« souris » en allemand) prend le parti de nous plonger dans un monde où les juifs sont des souris, les allemands des chats, les polonais des cochons… Et c’est sans doute ce qui fait de Maus un pur chef d’œuvre. A mon sens, le fait de ne pas représenter des humains permet une distanciation salutaire, et nous permet de lire cette histoire sans défaillir devant la cruauté des scènes.


Maus, c’est l’un des piliers qui font que la bande dessinée est le 9e art. Bien trop d’idioties seraient évitées si sa lecture (ainsi que celle du très bon et très beau Les Trois Adolfs de Tezuka) était au programme scolaire.

Chat-alors
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le 24 août 2017

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Chat-alors

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