Paris, 1889. La médium Sélène Fouquart, sollicitée par un visiteur inattendu, emploie une « installation expérimentale » pour entrer en contact avec l’esprit de Jeanne Ferrand. La communication est nouée, puis perdue, parasitée par un tiers. « Je suis le dernier homme que tu souhaites voir revenir d’entre les morts », annonce cette voix venue de l’au-delà. Il n’en faut pas davantage à Sélène Fouquart pour comprendre que l’homme qui se manifeste n’est autre que son ex-mari Victor Coqueret, un alcoolique guillotiné pour meurtres. C’est le début d’une surprenante chasse aux fantômes.


Ces derniers sont multiples. Il y a, naturellement, le fantôme au sens strict : celui de Victor prenant possession du corps d’un policier pour menacer son ex-femme et leur fils. Il y a ensuite, plus largement, les fantômes du passé, ceux qui provoquent des douleurs inexpiables et qui nous plongent, une fois réactivités, dans une terreur indicible. On peut en outre percevoir derrière cette poursuite post-mortem un autre sens : un traumatisme ne disparaît jamais vraiment, il se met en veille pour un temps indéterminé et peut se rappeler à notre bon souvenir à tout moment. Pour cela, il ne lui faut qu’un élément déclencheur. Ici, ce sera l’électricité.


L’inspecteur Lacassagne est sollicité par Sélène Fouquart pour protéger sa famille. Il accède à sa demande malgré un scepticisme avéré vis-à-vis du spiritisme qu’elle pratique. C’est pourtant un éveil progressif à l’au-delà et à la possession des corps qui va le disculper… de meurtres. Ce n’est qu’une des nombreuses surprises que nous réserve cet album remarquable. Enlevé, sombre, peuplé de personnages finement caractérisés, Naissance du tigre est une immersion enivrante dans un monde uchronique et mystérieux. Le scénario de Feldrik Rivat est solide, inventif et traversé d’interrogations qui ne disent pas leur nom – sur le modernité, le sens du spectacle, la crédulité, les douleurs intérieures…


Au dessin et aux couleurs, Jean-Baptiste Hostache se met parfaitement au service de l’histoire. Sa reconstitution du Paris du XIXe siècle, dans une ambiance souvent crépusculaire et avec un sens graphique du plus bel effet, sert d’écrin idoine aux événements imaginés par Feldrik Rivat. Voilà une proposition captivante, où le fond et la forme s’allient parfaitement, et qui signe l’incursion du surnaturel dans une réalité qui en sort bouleversée.


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Cultural_Mind
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le 14 oct. 2020

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cette bd, qui mêle adroitement une intrigue policière et le monde des morts est parfaite. en 1889 à paris , un homme mort revient posséder le corps d'un policier , et commettre des crimes...

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