Arrêtez tout ! Mettez de côté vos films un moment, et plongez-vous dans ce comics. Le Love & Rockets des frères Hernandez, c’est la Comédie Humaine du comics. Comme chez Balzac, on y entre par la porte que l’on veut, que ce soit par l’immense Locas ou bien par Palomar. Mais l’autre comparaison, plus évidente encore, plus récurrente aussi, est celle faite avec Gabriel Garcia Marquez dont le Cent Ans de Solitude est cité dans ce premier tome. Même foisonnement, même ambition d’embrasser une multitude de vie, aussi bien dans le nombre que dans le temps, même liberté de genre, de ton, de discours.


Palomar City, c’est une ville imaginaire d’Amérique Latine. Quand on y entre, on s’y perd d’emblée. Une quinzaine de personnages nous y assaillent, autant d’intrigues y démarrent. On y suit la vie des gamins du quartier, celle de Luba, la prostituée dont tous les hommes tombent amoureux et qui inquiète toutes les femmes, celle de ces dits hommes et puis celle de ces femmes justement, autour desquelles l’univers semble tourner. On traverse des centaines d’histoires. Certaines sans fin. D’autres, qui présentent un affluent en guise de dénouement, puisqu’elles s’imbriquent dans de nouvelles qui se jettent dans de nouvelles, et qui se jettent dans de nouvelles encore, ainsi de suite. Parce que la vie est un fleuve. Très vite, on se rend compte que suivre une ville, c’est aussi bien suivre une multitude d'événements que de non-évènements. Tout n’y tient pas la même place. Les plus petites choses peuvent grossir démesurément au fil des générations, et les grands drames s’ensevelir sous le sable de l’oubli pour parfois ne jamais en sortir. Dans la même logique, les petits-riens peuvent devenir des rumeurs, puis les rumeurs des légendes. Ainsi, un micro-incident qui tient en une case, peut devenir plus tard le socle d’une nouvelle histoire.


Toutefois, de cette œuvre immense, je ne pourrais vous donner qu’un seul point de vue : le mien. Car Palomar City (comme Locas) est irréductible et parle à chacun d’une voix différente. Son réalisme n’écarte pas la fantaisie, et ses drames prennent parfois l’allure de comédies, à l’exemple de l’un des gamins du quartier qui meurt littéralement de rire, et qui laisse dans les mémoires de ses camarades le souvenir d’une mort bien ridicule. On pourra retenir ce qu’on veut de Palomar, et plus généralement de Love & Rockets, car c’est le propre d’une fresque de parler de tout et de laisser au lecteur le soin de garder ce qui lui plait. Peut-être que le bouillonnement narratif des frères Hernandez en perdra quelques-uns, et ce dès les premières lignes. Mais il faut comprendre que c’est seulement arrivé aux dernières qu’on constate l’immensité de l’œuvre.

-Alive-
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le 9 mars 2018

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