Samouraïs, démons et extraterrestres
En adaptant Taitei no Ken, un succès de l’écrivain Yumemakura, le coréen Dohé nous fournit une récréation truculente à la croisée des genres. Les éditions Glénat traduisent également le roman d’origine.
Il est courant que des extraterrestres crashent leur vaisseau dans notre bonne atmosphère terrestre. Le spectacle est beaucoup plus réjouissant lorsque cette intrusion se déroule au Japon à l’époque d’Edo, au XVIIe siècle. C’est encore plus distrayant si le pays est encore sous l’emprise de la magie, des démons et des sorciers. Tel est le parti pris de Baku Yumemakura, lorsqu’il rédige les cinq volumes de L’Épée de l’Empereur entre 1986 et 1992. L’œuvre de ce romancier à succès, cousin nippon de Stephen King, a souvent fait l’objet d’adaptations en manga ; Le sommet des dieux dessiné par Taniguchi a d’ailleurs obtenu une certaine renommée par ici. Cette fois-ci c’est le coréen Dohé qui a été choisi pour s’attaquer à « Taitei no Ken », L’Épée de l’Empereur. Dohé n’est pas un total inconnu en France, puisqu’il a déjà travaillé pour Soleil sur un hors-série à la Geste des Chevaliers Dragons qui vient justement d’être réédité.
S’il ne peut égaler l’élégance de son idole Takehiko Inoué (Vagabond), son dessin réaliste et son sens du spectaculaire sauront trouver, à l’instar d’un Ryoichi Ikegami (Sanctuary), la reconnaissance du public franco-belge. En ne faisant pas dans la dentelle, Dohé adapte fidèlement un texte qui se soucie peu de subtilité. Le protagoniste principal est un métis géant aux allures de Conan débonnaire (le barbare, pas le détective) qui transporte une épée tellement gigantesque qu’on ne comprend pas comment il parvient à l’extraire de son fourreau d’un seul mouvement de poignet. Au cours de ses pérégrinations ce colosse croise un ovni, deux clans de ninjas rivaux qui s’affrontent pour la possession d’un bijou, une créature hybride mi-homme mi-animal, une sorcière aux cheveux et à l’entrejambe fatals, un androgyne sataniste, sans oublier la figure vieillissante du fameux Miyamoto Musashi... Le tome 5 arrive à point pour apporter quelques éclaircissements qui ordonnent un peu ce tumultueux chaos.
C’est dans ce généreux foisonnement que cette œuvre se montre la plus divertissante : les combattants bondissent à des hauteurs vertigineuses, les corps sont découpés avec vivacité et les méchants ont des crocs démesurés... Ce qui donne de l’éclat à tout cet invraisemblable spectacle c’est qu’il est servi avec sérieux dans un dessin réaliste. Les éditions Glénat ayant eu l’audace de publier les romans en parallèle, le curieux pourra s’amuser à comparer les versions. Le premier roman (qui réunit en fait les deux premiers volumes japonais) correspond aux quatre premiers tomes du manga. Regrettons au passage que les différents traducteurs n’aient pas accordé leurs violons... Certains dialogues du manga expriment ainsi exactement le contraire que dans le roman.
découvrez notre inconstance avec une critique un peu plus nuancé et tatillonne sur le blog (lien ci dessous)