Probablement le connard le plus attachant de tout le neuvième art

Ah bah putain. Je savais que je serais pas déçu, mais j'imaginais pas que ce serait à ce point. Ca fait plusieurs mois que je retarde l'écriture de cette critique afin de mûrir tout ça, et je suis content de l'avoir fait. Après avoir lu le deuxième tome de l'édition Urban Comics, me fallait repartir sur les premières aventures de Spider Jérusalem. Je crois que je suis prêt à dire quelque chose de potable.

En fait non, sans doute pas, mais j'en ai juste rien à branler. J'ai adoré Transmetropolitan, comme pratiquement tout le monde, et j'en suis fier, point barre.

C'est quoi Transmetropolitan ? C'est l'histoire de Spider Jérusalem, journaliste dans une Amérique de science-fiction qui n'est pas si différente de l'Amérique d'aujourd'hui. Sauf... ben... que c'est dans le futur quoi. On change de corps sur un caprice, on soigne le cancer, on bouffe de la viande humaine clonée, et on produit du sperme génétiquement modifié qui donnent des verrues génitales qui... euh... bon, on va s'arrêter là p'têt'. Et le Spider, ben il s'était barré de la Ville, une putain de métropole tentaculaire qui concentre la majeure partie de la population des States, parce qu'il en avait marre des gens, marre du président facho, marre de se faire aduler, marre de la fureur humaine. Il est rappelé de sa montagne par son éditeur, lui rappelant gentiment qu'il a signé un contrat, et doit ramener son cul pour écrire les deux livres qu'il lui doit. Bon gré mal gré, le journaliste le plus aimé et détesté à la fois de toute la surface du globe reprend le chemin de la société humaine, et s'apprête à les faire chier jusqu'à ce qu'ils acceptent de le laisser se barrer. Tout un programme.

Transmetropolitan, c'est une putain de catharsis, déjà. Jérusalem se défoule à un point inimaginable sur les misérables mortels qui osent croiser son chemin. Il crache la vérité par tous les pores de sa peau, même quand elle n'est pas désirable, et l'agrémente d'excréments bien fumants pour ponctuer ses arguments. Ca pue, c'est laid, c'est crade, c'est dérangeant, irrévérencieux, méprisant, même envers le lecteur, traité comme une petite pute admirative devant la virilité débordante du petit chauve à lunettes qui terrorise la Ville.

Au-delà du pur défouloir, on a l'ingrédient principal de tout bon récit de science-fiction : loin de nous présenter des gens différents, inimaginables, Transmetropolitan nous introduit dans le quotidien des vrais gens de maintenant, nous montre leur beauté et leur laideur, qui ne sont souvent pas si éloignées l'une de l'autre. L'orgueil et la peur, la curiosité et le mépris, la mémoire et l'oubli, tout se mêle dans le magma humain bouillonnant de la Ville pour nous montrer une société finalement tout à fait crédible et pratiquement réaliste. Sur les pas du cynique emmerdeur qui nous sert de guide, l'on part à la rencontre de l'enfoiré de président capitalisant sur son charisme pour se permettre n'importe quoi, des transités, ces drôles de jeunes écervelés prêts à n'importe quoi pour être différents, quitte à modifier leur patrimoine génétique, des cumulus, ces rêveurs aspirant à une liberté absolue à travers le transhumanisme robotique, des ressuscités, ces cryogénisés d'une autre époque qui rêvaient d'une nouvelle vie et d'un nouveau futur et qui se retrouvent face à un monde qui n'a aucune envie de les voir, ou enocre des réserves et de leurs habitants, ces gens rêvant de revenir aux anciennes moeurs dans toute leur splendeur ou leur horreur, servant d'expérience à une société bien décidée à tirer les leçons du passé... Miroir déformant tendu au lecteur qui y verra ses espoirs cachés et ses vérités inavouables.

Transmetropolitan, c'est tout ça et plus encore. Jérusalem est un salaud, mais Warren Ellis nous donne à voir une vision vraiment magnifique de l'humanité. C'est que même dans leurs vices, ces gens sont superbes. Ils vont toujours plus loin, sont pris d'une faim insatiable qui les pousse à tout démolir sur leur passage, et Spider n'échappe pas à la règle.

Notons également que le travail effectué par les deux auteurs, Warren Ellis au scénar' et Darick Robertson au dessin, est génial, au point qu'on en oublie que leur bébé n'est que le fruit du travail et de la passion des deux larrons. Les planches de Robertson regorgent de détail, tout est splendidement moche, kitsch et dégueulasse. Le mouvement est dynamique et naturel, et la colorisation se trouve à mi-chemin entre un bon goût manifeste et la gerbe totale, équilibre assez étonnant. Quant à Warren Ellis, ben, je crois avoir déjà assez dit tout le bien que je pense de cet univers et de ce qu'on y trouve. Offrir une lecture à plusieurs paliers dans un comics, c'est suffisamment rare que pour mériter d'être relevé, surligné, adulé.

Énorme coup de coeur, oeuvre incontournable.
Antevre
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le 10 sept. 2014

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Antevre

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