Un club privé, des yakuzas réunis pour l’occasion, des filles, des tueurs invisibles qui se joignent à la fête : qui sortira vivant du manga imaginé par Hideo Yamamoto et dessiné par Ryoichi Ikegami ?


Les démons de la nuit


Phares allumées, une Porsche file à travers Tokyo pour s’immobiliser, en dérapage contrôlé, devant un club privé du quartier de Kabukichô. Signe particulier : le véhicule paraît vide. Des gants sont présents sur le volant, on remarque aussi des chaussures… Vous brûlez : le véhicule sportif transporte deux personnes. Un homme et une femme qui ont la particularité d’être invisibles. Cela tombe bien : les personnes à qui elles rendent visite possèdent aussi quelques particularités.


Sept yakuzas sont en effet réunis dans un salon privé du club. En compagnie de plusieurs femmes destinées à améliorer l’ordinaire, ils devisent avenir et équilibre entre force et intellect. La quasi-majorité de ces personnes (que des hommes) a développé à l’extrême un des cinq sens ou un sixième. Il y a là une galerie de personnages avec des gueules qui sont tout sauf fades. Le trait de Ryoichi Ikegami a parlé.


Petit massacre entre amis


L’action se déroulant dans une salle d’un club privé, Adam et Ève se révèle donc être un huis-clos où la fuite n’est pas une option. L’intrusion des deux êtres invisibles va conduire à un déferlement de violence et de morts. Habitués à tuer, les yakuzas semblent même prendre un certain plaisir à traquer leurs deux proies. Á moins que ce ne soit l’inverse…


Car si on ne peut les voir, le recours à d’autres sens permet de se faire une idée de leur position, voire de leur état d’esprit. Smell (yakuza à l'odorat sur-développé) joue d’ailleurs le rôle du commentateur improvisé, du chauffeur de salle, ce qui donne un côté décalé aux événements. Comme s’il s’agissait d’un jeu sanglant. L’excitation change : les filles présentes ne les intéressent plus vraiment, on oublie les projets de coup d’état ; ils ont trouvé de nouveaux jouets… La danse macabre peut s’enclencher. Et le compte à rebours des yakuzas toujours debout se déclencher.


Quelle finalité ?


N’espérez pas avoir de réponses aux questions que vous vous posez en parcourant les pages. Le manga part dans tous les sens, s’efforce de fournir des explications (plus ou moins accessibles) sur certains événements qui se passent. Mais ce n'est pas sa priorité. Il s’agit plutôt d’un récit trash, où l’égalité des sexes n’est pas à l’ordre du jour et où les excès sont légion.


Cette remarque étant faite, le récit peut alors être lu et apprécié pour ce qu’il est : la réunion de deux auteurs qui ont chacun leurs petites obsessions et penchants qui se retrouvent au fil des pages. L’important n’est pas dans le développement des personnages, mais dans la lutte à mort entre yakuzas et invisibles. D’où le déluge graphique proposé par Ikegami, le récit barré (mais qui ne perd pas le lecteur) de Yamamoto. Le fait d’avoir des êtres invisibles poussent le lecteur à imaginer, à reconstruire la posture des personnages car on ne voit que leurs chaussures. Au fur et à mesure des pages on s’enfonce dans une folie que la dernière ligne droite du manga ne parviendra que modérément à infléchir.


On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux


En environ 500 pages, Adam et Ève nous propose une virée excessive à bien des égards. Mais c’est dans ses excès que les lecteurs apprécieront ou non que réside la patte des deux auteurs. Il s’agit donc d’un manga qui ne prend pas de gants (dans tous les sens du terme) pour proposer une virée sans retour qui n’est pas sans attrait.


Avis un poil plus long et illustré par ici.

Anvil
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le 17 janv. 2018

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Anvil

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