Mutant Powaa
Excellente alternative aux Xmen de Marvel, mais à défaut d'école et de formation, l'histoire se pose dans un contexte très mature d'incarceration à la battle royale et Running Man ou chaque détenu...
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le 5 déc. 2013
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Un aveu, un derrière les scènes que vous envoie en préambule. Comme à mon habitude, dès lors où je critique un manga dont je ne sais rien, je me rends chez ces enculés de Google – ils ont leur base de données pour eux – et j’inscris, en effleurant le clavier d’un geste minutieux et gracile : « read [Nom du manga] online ». Le premier lien qui me vient me renvoie au chapitre 116, qui n’est ni le premier, ni le dernier. C’est saugrenu, curieux même ; je clique néanmoins. Et voilà sur quoi je tombe comme initiation au manga que je m’apprête à lire.
Allez savoir pour quelle raison, je me suis fait la réflexion, après avoir eu dans les yeux cette pleine page, que je ne mettrais vraisemblablement pas une note supérieure à 3/10 à l’œuvre présente. Délit de sale gueule ? Sans doute. Injustifié ? Bon Dieu non !
« Alors y’a eu une Supernova comme ça, y’a douze ans, ça a fait PRRrSSshHHHhhhH et pis, et pis, y’en a qu’ont eu des super pouvoirs, donc ceux qui n’ont pas eu de super-pouvoirs, ils se sont méfiés d’eux, parce que les super-pouvoirs, ça fait du PrrrrsShHShHhbRAaAaOUM, et que ça casse tout, donc on a mis les gens qui ont des superpouvoirs en prison (soit dit en passant, s’ils sont si redoutables, comment ça se fait que des gens sans superpouvoirs ont pu les capturer si facilement ?) et après ils les ont envoyés sur une île pour les bannir pourquoi ils ne les ont pas tués ou enfermés dans des instituts ultra-sécurisés ? Je veux dire, Napoléon est revenu de l’île d’Elbe sans même envoyer des rayons lasers par le cul, alors une bande de monstres aux pouvoirs hallucinants…, et puis… et puis on en a fait un manga ».
Tout d’abord, je répondrai X-Men (MHA). J’y répondrai d’une voix lasse sur un ton blasé et désinvolte, et vous rappellerai que le coup des mutants persécutés pour la dangerosité de leurs pouvoirs : c’est X-Men. Ça existe déjà, depuis un petit moment en réalité, et le retentissement international, déclinée en divers films à gros budgets, fait que tout le monde ou presque connaît. T’auras beau mettre ça en noir et blanc avec des Japonais dedans, ça reste X-Men. Que tu les mettes tous sur une île, pour les isoler du reste de la population, ça, en revanche, ça s’appelle Suicide Island, ou Battle Royale.
Je n’en suis certes qu’aux prémices, et j’ai comme un doute quant à l’originalité du contenu qui va me parvenir.
Naturellement, les humains chargés de bannir les mutants – on va pas les appeler autrement, pas de fausses pudeurs je vous prie – sont tous très méchants, ou idiots, avec de vilains stéréotypes plein la tête. Et les stéréotypes, ma brave dame, figurez-vous que c’est tout vilain comme il faut pas. Je veux dire, si on écoutait les stéréotypes, on en viendrait à déterminer que les Allemands sont psycho-rigides, les Français bavards et prétentieux, que les homosexuels seraient surreprésentés dans la haute-couture et la coiffure, que les immigrés d’Afrique et du Moyen-Orient sont majoritaires dans les prisons européennes (sans raison), que le personnel médiatique et politique serait avide de cocaïne, les joueurs de football, attardés, et que la pluie pourrait avoir une incidence sur l’humidité ambiante.
Ce qui, comme chacun le sait, n’est fondé sur aucune bribe de réalité et ne relève que du fantasme le plus crasse et criminel qui soit.
Bon sang de bordel de merde, on parle d’une population massive potentiellement capable de tout faire péter autour d’elle. Que ces gens-là, ne soient pas exterminés après avoir foutu le monde en l’air me dépasse déjà.
Les dessins sont pleins d’afféteries, gavés d’effets graphiques tape-à-l’œil qui accentuent le côté « poseur » de tout ce qu’ils cherchent à encenser. J’avais le sentiment de relire Air Gear et toute la vague de ce qui se faisait dans ce registre pictural. Ça fait très « d’jeun’s », ça fait très « cool », mais ça fait aussi très faux et inauthentique. Aucun style particulier ne se dégage de ce qu’on lit ici. Les characters designs, en cherchant à être originaux, s’avèrent simplement exagérés. Ce qui est excessif est insignifiant et, d’insignifiance, Area D en déborde par tous les pores.
Le manga est basiquement un magazine de mode où les modèles défilent et prennent la pause, faisant au passage étalage du vide conceptuel venu constituer leur personnalité. Sur le plan du caractère, tous les stéréotypes y passent. L’ironie, quand elle nous tient, elle nous prend par les couilles. Et fermement.
Personnages masculins et féminins compensent leur insipidité flagrante par des hurlements et des mouvements agités.
Aucun travail d’exposition, tout nous est livré sans susciter un semblant de désir préalable. Des personnages comme les rangs S, cloisonnés plus que de rigueur, auraient amplement gagnés à être présentés plus tardivement, histoire de prendre le temps de faire monter la sauce. Là, la sauce, on nous la jette à la gueule au premier chapitre. Et bon appétit mes pourceaux, bâfrez-vous bien, sans régal d’aucune sorte, cela va sans dire.
Le plus drôle étant que les responsables pénitentiaires, sachant pourtant qu’ils concentrent une population de mutants aux pouvoirs surpuissants sur un bateau, sans les entraver de surcroît, s’étonne que la situation dégénère. Y’a pas une once de réflexion préalable avant que l’auteur n’accouche ses idées bâtardes sur le papier. Tout est dans la pose et le paraître, l’édifice qu’il construit n’a que le papier-peint pour soutenir la toiture. Audacieux projet que celui-ci alors qu’il ne repose que sur la fainéantise flagrante de l’écriture.
Les slogans creux fusent à foison : « Nous ne sommes pas des monstres, nous sommes des humains », et ça chiale. Ça chiale beaucoup sur Area D. Un effet secondaire de la mutation peut-être, ou alors le climat, éventuellement. À moins qu’il ne s’agisse d’une incapacité de l’auteur à susciter le moindre sentiment, et à compenser stupidement par des éclats sentimentaux outrecuidants en lesquels on ne croit pas un seul instant. Le temps d’une lecture d’Area D, il faut bannir « pudeur », « mesure » et « subtilité » de son vocabulaire sans quoi, la lecture promet d’être franchement laborieuse.
Ah. Oui. Il y aura une mascotte aussi. Ne remerciez pas l’auteur, il ne fait que suivre scrupuleusement le cahier des charges éditorial du parfait petit Shônen mal illustré. Pas un raté ne sera à déplorer sur la route de l’infamie, le mauvais goût y glisse comme sur du velours.
De la baston, t’en veux, hein ? Je veux dire, les X-Men se gênent pas pour la castagne au nom de… beaux principes, j’imagine. Le fait est que ça cogne sans réserve en usant de tous les pouvoirs dans l’arsenal, alors Area D en bon plagiat, il va sûrement pas déroger à la règle. Puis là, du combat, on va en avoir. Ce sera dessiné n’importe comment, imbitable, sans intérêt, introduit sans enjeu et balancé sur le parcours du récit comme sur le tapis roulant d’une chaîne d’assemblage à l’usine. Soyez rassurés, les auteurs – bon sang ils se sont mis à deux pour pondre ça – ont été suffisamment avisés pour absolument tout saloper afin que vous ne retiriez pas ne serait-ce qu’un soupçon de plaisir le temps de votre lecture.
J’ai mis du temps avant de comprendre que Jin était le personnage principal. Probablement car cela a dû se prévoir sur le tard. Le chargé éditorial a sans doute dû faire savoir aux contremaîtres de l’usine – pardon – aux scrupuleux auteurs de cette œuvre éminemment artistique, que Jin plaisait parce qu’il était « cool », avec de gros abdos, des pouvoirs qui le rendent invincible et des cheveux longs et soyeux – important, ça. Du coup c’est devenu le personnage principal.
De la constance dans l’écriture ? Des principes ? Non, les auteurs n’en auront pas. Tout sera fait pour vendre. Ils vont nous chier à la gueule sur plus d’une centaine de chapitres, ça oui, mais soyez certain que l’étron sera modelé selon le desiderata des lecteurs. Un peu comme pour une commande Deviant Art, oui. Beaucoup, même. C’est ça, Area D, au fond ; une commande Deviant Art interminable.
Au risque d’insister, j’ai vraiment eu le sentiment de relire Air Gear. Il n’y a pas que le dessin, tout, dans la scénographie et la modalité de l’écriture – ce qu’on qualifiera comme tel, en tout cas – y est pompé. Les affrontements chiants et extravagants sur le plan des artifices contre des bellâtres ombrageux et insignifiants, l’intrigue qui ne s’écrit pas et se contente d’alterner entre combats chiants et instants mielleux de transition. Les gentils sont gentils car ils sont gentils, les méchants sont méchants parce qu’ils sont méchants pour de mauvaises raisons ; on s’y croirait. Et croyez-moi que je n’écris pas ça sur le ton de la réjouissance.
Et puis ça se terminera sur un combat pareil à tout autre, avec davantage de trucs pétés dans le décors pour souligner l’intensité ; car plus ça fait « Boum » et mieux ça fait « Crak ! », on sait que c’est sérieux. Méfiez-vous des trésors de mise en scène dont recèle Area D, ils scintillent si fort que vous pourriez perdre la vue. À moins que ce ne soit en essayant de vous enfoncer les pouces profondément dans les orbites pour ne plus avoir à subir ça. Oui, je pense que ça joue.
Et cette fin, bon sang ; CETTE FIN ! Si elle ne crie pas « Arrêt prématuré d’une œuvre sans que les auteurs n’aient jamais pensé à une conclusion », j’ignore alors ce qui serait plus éloquent pour la résumer. À peine le combat final conclu, tout ce beau monde va au bord d’une falaise, regarde vers l’horizon – important, ça, de regarder l’horizon, ça montre que ce qui va se dire est profond – et sort une réplique passe-partout, du type « Ça va aller. » ou « Cool Raoul », pourquoi pas, puis c’est fini. Littéralement.
J’admets avoir ri tellement les auteurs semblaient n’en avoir rien à carrer. Le désintérêt patent pour ce qu’ils écrivaient et dessinaient durant plusieurs années aura été paraphé à ce moment-là, ils ne jouaient plus à faire semblant, n’ayant plus rien à prouver à un lectorat qui les avait désertés après qu’ils aient tout fait pour s’abaisser à leur niveau. Un lectorat, ça s’élève ; se vautrer à son niveau, c’est accepter de finir sous ses semelles à très court terme.
Au moins, Area D m’aura suggéré un sentiment au terme de ma lecture C’est déjà pas si mal. Ça fera quand même 1/10, mais j’ai bien ri, c’est déjà ça de pris. Parce que, tenez-le-vous pour dit, y’aura rien d’autre ici qui soit prompt à évoquer ne serait-ce qu’une illusion de satisfaction.
Créée
le 27 nov. 2024
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