Qu'on se soit interrogé - si tant que réflexion il y ait eu - sur le bien-fondé d'un inqualifiable mélange des genres entre comics de super-héros et Nekketsu me laisse encore pantois. À l'usure, j'en viendrais même à supputer que les auteurs de Shônen de cette dernière décennie se font la course à l'échalote afin de déterminer qui d'entre eux pourra nous gratifier du pire en la matière. Il n'y a qu'en mathématiques que moins et moins font plus ; prendre le parti-pris de mélanger de l'arsenic et du cyanure en espérant que la recette soit plus relevée tient de la plus stricte débilité mentale. Au mieux.


Vous reprendrez bien un Nekketsu-lambda ? Vous n'avez pas le choix de toute manière, les maisons d'édition Shônen ayant manifestement rayé les termes «originalité» et «qualité» de leur cahier des charges. C'est dire si My Hero Academia a dû faire leur bonheur.
La crème du Shônen moderne. Une crème qu'on aurait délibérément laissée trop longtemps au soleil jusqu'à ce qu'elle ne tourne à en sécréter des grumeaux purulents. Un Nekketsu frelaté sans inspiration ni aspiration aucune. Un autre.


«Avant, j'étais faible. Et puis... grâce aux évagations improbables d'une intrigue de départ convenue et dépourvue de la moindre imagination - pour ne pas jurer avec le reste - je suis devenu le plus fort». D'avance, tout est écrit ; pourtant, rien n'est lisible. Pas à moins de se forcer, ce qui, dans ma quête sacerdotale de la critique du top 100 manga SensCritique, s'avère être une condition indispensable à l'exercice.


Dans un monde - très mal défini - où chacun a des pouvoirs surnaturels, le personnage principal n'est qu'un lycéen normal souhaitant désespérément devenir un super-héros. Le postulat n'est certes pas reluisant, il est en tout cas diablement prometteur. Qu'un personnage dépourvu de pouvoirs cherche à rivaliser avec ceux-là même qui en usent et abusent devrait en principe nécessiter l'emploi de la ruse afin de compenser comme il se doit. Batman, de par son intellect, est bien parvenu à tenir la dragée haute à Superman. Tout prédispose à un emploi intensif d'astuces en tous genres de sorte à ce que Izuku puisse contourner son handicap.
Chapitre deux ; après une séquence montage supposée se dérouler sur un an de temps, Izuku gagne une force considérable et a quasiment rattrapé son écart. Dans ce contexte, Batman compte alors mettre une dérouillée à Superman en faisant des pompes. Et il y parviendra grâce à la recette My Hero Academia. Pour peu qu'on soit aveugle, c'est beau un Nekketsu contemporain. L'auteur aura démontré en deux chapitres à peine l'étendue de son oisiveté qui, de prime abord, ne semble connaître aucune limite perceptible à l'œil nu.


C'est à croire que l'humanité réclamait à corps et à cri un autre manga de super-héros exempt de la plus petite once d'authenticité. Une énième auto-parodie où la moindre forme de construction en terme d'univers est à proscrire.
À cheval entre One-Punch Man et Soul Eater, My Hero Academia galope en terrain connu, perdu entre la baston manichéenne sans enjeu et le contexte estudiantin... où il sera là encore question de combats à répétition. Lors d'une allocution orale, un réflexe malheureux amène spontanément le locuteur à meubler un silence non désiré d'un «Euh» hésitant et grossier, traduisant par là une mauvaise maîtrise de son discours. Un mangaka en charge d'un Nekketsu, lui, meuble ses hésitations scénaristiques d'un combat supplémentaire. Ce n'est plus une trame dans laquelle le lecteur s'engage alors, mais la lecture d'un texte à trous. On se demande d'ailleurs qui des trous ou du texte octroie sa substance à My Hero Academia.


«Ce qui est excessif est insignifiant» nous rapportait ce bon monsieur de Talleyrand. De l'excès, il ne sera précisément question que de ça. Ça crie, ça chiale (cinq fois rien que dans le premier chapitre), ça cogne.... l'adjectif «superficiel» va encore être de sorti pour cette critique ; avec My Hero Academia, il va même tellement prendre l'air qu'il en attrapera un rhume.
À défaut de ne pas savoir susciter un quelconque sentiment chez un lectorat averti en dehors de l'atterrement, Kōhei Horikoshi ne peut que simuler l'émotion chez ses personnages. Tous ont de grands yeux mouillés, les lèvres fendues d'une oreille à l'autre, ils s'agitent, il éructent mais qu'ils sont creux. Les sons qu'ils émettent ne sont que l'écho de nos lamentations résonnant dans l'inanité qui les constitue. Parfois, il n'y a pas lieu de meubler un silence gênant ; quand on n'a rien à dire ou à exprimer, il est encore préférable de se taire.


Et que seraient des émotions factices sans son lot de bons sentiments sirupeux ? L'affaire va de paire comme la pestilence et la mort. «Fais de ton mieux», «C'est l'intention qui compte» ; ce genre de banalités confondantes, ça vaut aussi quand on ne parvient pas à empêcher un cataclysme duquel résulte des centaines de morts ? Cela, nous ne le saurons jamais car les protagonistes n'échouent jamais. Il ne faudrait pas que des expériences malencontreuses les amènent à remettre en question certains de leur paradigmes. Ils sont les meilleurs et les plus justes car il sont les plus forts ; cet état de fait, il nous faut nous en contenter comme eux s'en gargarisent.


Je passerai l'univers inconséquent où l'ordre apparaît régner dans une société comportant quatre-vingt pour cent d'humains maîtrisant des pouvoirs aussi divers que la pyrokinésie et la force herculéenne. En dehors d'un troupeau d'une dizaine de brebis galeuse (qui a le bon ton de se faire appeler subtilement «L'alliance des super-vilains»), personne ne commet la moindre incartade.
Un esprit plus brillant - ou en tout cas correctement irrigué par son système sanguin - aurait pu revenir sur les difficultés soulevées par ce monde nouveau. Comment gérer la criminalité là où les outils pour tuer sont parfois intraçable du fait de la nature de certains pouvoirs ? Quelles méthodes doivent être employées afin de garantir la cohésion sociale quand tout le monde a le pouvoir de péter un immeuble à mains nues ? Ce genre de problématiques - à défaut d'être résolues - auraient au moins pu avoir le mérite d'être soulevées. Cela serait revenu à supposer que Horikoshi fut doté d'une capacité de réflexion. La suite de son œuvre a en tout cas achevé de me persuader du contraire.


Ses personnages sont creux, mais pas seulement. Vus et revus - car pourquoi l'auteur ferait-il preuve d'originalité là où il s'y est refusé dans tous les autres domaines - ils sont tous interchangeables au point parfois d'être indissociables les uns des autres. Deku m'apparaît d'ailleurs comme un plagiat (raté, bien entendu) de Kobayakawa Sena. J'y retrouve chez lui jusqu'aux plus infimes traits de caractère qui, s'ils avaient lieu d'être avec Sena et son parcours entravé par les adversités, sont foncièrement superflues pour un héros qui gagne en puissance simplement en en exprimant le souhait.
Quand je pense qu'il s'en trouve encore pour ériger Sasuke comme la norme mère du personnage cliché de Shônen... on se rend compte que par contraste, le genre s'est passablement avili depuis. Il serait temps d'actualiser les références de mauvais goût dans le Nekketsu. Parce qu'entre un Bakugo faisant office de Végéta en pampers et les personnages féminins que l'on peine à distinguer des plantes vertes, il n'y a véritablement aucun trait de caractère original à retirer de qui que ce soit. Des produits manufacturés en guise de personnages, rien de tel pour ajouter de l'insipide à la fadeur. Tout est décidément fait pour rendre la lecture répulsive au possible.


Inspiré de X-Men dans les grandes lignes - et les grandes lignes, il n'y aura que ça à se mettre sous la dent - Horikoshi se sera refusé toutefois à reprendre la complexité des pouvoirs. Il y a mis un point d'honneur. De son inspiration, il n'en retirera que le pire, c'est apparemment une question d'honneur.


Inutile de se bercer d'illusions, les pouvoirs seront tous aussi communs que violents. La finalité de leur utilisation ne résultera jamais autrement qu'en d'infâmes «Paf» et autres «Boum» tonitruants et, à la mesure du reste, excessifs. Même les pouvoirs dont les fondements conceptuels demeurent bien pensés ne seront jamais mis à contribution autrement que de la manière la plus rudimentaire qui soit. Il y avait pourtant à faire avec le pouvoir de modeler la matière comme s'il s'agissait d'argile.
Contrairement aux comics où les problématiques dépassent le cadre des pouvoirs, My Hero Academia se bornera uniquement à servir de recueil à une successions de combats tous plus inintéressants les uns que les autres où seule la bourrinade disgrâcieuse sera à l'honneur.


L'intrigue - et c'est lui faire beaucoup d'honneur que de prétendre qu'elle en est une - est une valse en trois temps. Un schéma sommaire et cyclique qui ne connait en tout et pour tout que trois étapes. Une épreuve dans le cadre du cursus scolaire (bastons) suivie d'une arrivée inopinée (mais attendue du lecteur, à force) des antagonistes. Baston il y a, car le manga ne tient qu'à ça et ne serait pourvu que de pages blanches autrement, puis, les ennemis s'en retournent chez eux car on a semble-t-il sifflé la fin de la récréation. Le temps de s'en remettre (un chapitre) et on reprend les épreuves scolaires.
Protagonistes comme antagonistes ne meurent qu'une fois par année bissextile, c'est donc sans un grain de sable pour enrailler la machine que reprend la ritournelle scénaristique. J'ai pour habitude de reprocher à bon nombre de Shônen d'être trop linéaires dans le déballage de leur intrigue, cette fois, on tourne en rond. Une trajectoire qui va droit dans le mur ou une spirale infernale de médiocrité, c'est le choix qui est aujourd'hui proposé aux lecteurs de Shônen et ce, depuis plus d'une décennie.


Complotiste assumé, j'en viens à éroder occasionnellement quelques hypothèses saugrenues - pour autant recevables. De même que l'estomac s'atrophie lorsqu'il se retrouve trop longtemps privé de nourriture, la cervelle connait le même phénomène lorsque dépourvue de contenu intelligent pour la rassasier. À ce titre, je m'interroge. Puisqu'un lectorat au ciboulot ratatiné se contente bien plus aisément des contenus les moins bien construits qui soient - et donc, les plus faciles à écrire - les maisons d'éditions japonaises ne travaillent-elles pas de concert à déverser des Shônens sans imagination précisément afin d'habituer leurs lecteurs à se nourrir de si peu ?
C'est en tout cas à l'aune de cette théorie que le scénario de My Hero Academia prend tout son sens. Car lorsque des ennemis aux motivations assez troubles - quand elles ne sont pas carrément absentes - décident, de leur propre chef, de se faire appeler «L'alliance des super-vilains» à la seule fin de se mettre sur la gueule avec les super-héros et que ce postulat fait office d'unique trame scénaristique... seul le complotisme offre un réconfort. Soit il y a conjuration, soit on se fout de nos gueules. Et, bien que tous les faisceaux d'indice pointent ostensiblement vers la seconde hypothèse, je persiste à me réfugier dans la spéculation douteuse afin de sauver l'honneur d'auteurs qui n'en ont décidément plus.
Dans un avenir proche, les auteurs de Nekketsu feront parvenir à leurs lecteurs des encarts de narration intitulés «eux gentils» et «eux méchants» afin que ces derniers comprennent pourquoi tout se beau monde se tape dessus. Sur les pages de My Hero Academia, il y a de l'encre. Des tâches aux formes plus ou moins recevables et parfois similaires qui peuvent laisser entendre qu'elles nous narrent une histoire. Toutefois il y a méprise. L'œuvre a davantage des allures de buvard sur lequel un auteur maladroit aurait étalé une encre surabondante coulant de son pinceau qu'un manga à proprement parler. À moins d'avoir soi-même beaucoup d'imagination durant sa lecture, il est particulièrement laborieux d'esquisser les contours d'une intrigue avec seulement ce qui est porté à nos yeux. Du manga, on n'en retire que le néant, unique matériau mis à contribution pour lui donner forme.


Des clins d'œil aussi. Assez appuyés ceux-là. Presque plagiaires dans leur genre. Cette première incursion de l'alliance des super-vilains dans l'histoire via le Warp Gate m'a immanquablement fait penser à celle des Arrancars dans Bleach. Kubo n'a pas l'apanage des passages inter-dimensionnels, certes. Il demeure toutefois quelques doutes quant à l'absolue originalité du procédé lorsque Kôhei Horihoshi se retrouve à la manœuvre.


L'arc final entamé, l'auteur juge enfin bon de développer - sommairement - ses antagonistes. Développer, le mot est fort ; faire pleuvoir les Flash-Back centrés autour d'un personnage en particulier est à la construction de caractère ce que le cocard est au maquillage. Saluons néanmoins l'effort ; car pour quelqu'un qui s'implique habituellement si peu dans la rédaction de son œuvre, la mesure tient de l'excellence. Là est le seul avantage à ne pas attendre grand chose de quelqu'un, on ne peut être qu'agréablement surpris lorsqu'il accomplit quelque chose d'insignifiant qui, chez d'autres, relève du naturel.


My Hero Academia, le parfait Nekketsu puisqu'un Nekketsu aujourd'hui n'est apparemment plus que poncifs, fainéantise et décalcomanie de ce qui se fait déjà. La nomenclature est ici respectée à la lettre. Voilà un énième produit usiné tout droit sorti de sa chaîne de fabrication et bourré de malfaçons. Un prétexte de plus pour se lamenter quand on a justement trop d'estime pour ce qu'a représenté les genre à une époque. Ce manga - comme les autres - n'est qu'un nouveau symptôme éclairant d'une déchéance qui ne dit pas son nom dans l'édition de Shônen. Une nouvelle pièce à charge afin d'instruire un procès contre le mauvais goût.

Josselin-B
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le 5 mai 2020

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Josselin Bigaut

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