Arkel : Les Sept Diables Supérieurs par arnonaud

Je suis tombé sur cette série que je ne connaissais pas du tout en traînant sur SC en début d'année (2023). Les albums de la série ont une moyenne plutôt pas mal, et j'étais intrigué par ce visuel mélangeant un trait post Franquin, avec un ange avec une grosse épée et un blouson de moto, dans un univers qui semble plutôt sombre. Donc sur un coup de tête je me suis laissé tenté et j'ai acheté les albums. Alors que je ne suis pas un grand fan des intrigues à base d'anges vs démons, et que je ne suis vraiment pas fan de Pierre Tombal, la série pour laquelle est principalement connu le dessinateur Marc Hardy.


Arkel est une série à la publication visiblement assez biscornue. C'est une série qui paraissait dans le journal de Spirou à partir de 83. Dupuis édite les deux premières grandes aventures dans un album double en 85, celui-ci, mais interromps la série ensuite dans le journal en 86, sans prendre la peine de tout sortir ce qui est paru dans le journal en album. Dans les années 90, les éditions Palombia republie les deux premières histoires en deux albums, plus la 3e inédite en album mais apparemment prépubliée dans Spirou à l'époque. Ils annoncent aussi sur la 4e de couverture un 4e tome, une aventure là aussi publiée dans Spirou et apparemment la première partie d'un diptyque, qu'ils ne sortiront finalement jamais.


Finalement la série revient des années plus tard, en 2008, de nouveau chez Dupuis, sous le nom Ange & Diablesses, où apparemment Hardy redessine la première partie du diptyque et livre enfin la suite du récit. Il existe aussi une édition super luxueuse en noir et blanc d'Arkel sortie chez les éditions Black & White en 2017 et 2021 et le tome 2 contient les récits courts parus dans Spirou mais jamais réédités jusque là en albums.


J'ai évoqué que c'était Hardy au dessins, et au scénario on retrouve donc Stephen Desberg, scénariste prolifique, dont je n'avais jamais lu le travail je crois. Il était encore vers le début de sa carrière, avant d'avoir son premier gros hit Billy the Cat, et avant son virage vers des séries plus réalistes comme I.R.S. ou le Scorpion qu'il lance fin 90/début 2000. Donc globalement, c'est une série de jeunesse pour les deux auteurs.


La série se veut dans la tradition des séries d'aventure jeunesse avec un dessin humoristique type Spirou/Astérix, mais paraît dans les années 80, une époque où j'ai l'impression que le genre est un peu en perte de vitesse, au profit de série plus réalistes. Et les nouvelles séries du genre ont dû mal à s'imposer face aux grands noms qui sont encore populaires. Mais bref, Arkel nous propose de revisiter le combat entre les anges et les démons dans une vision modernisée, SF-Fantasy, où je pense que Star Wars a dû passer par là. On a donc des anges en blousons, jeans et santiags avec des grosses épées-seringues à pics qui pilotent des vaisseaux spatiaux et qui affrontent des armadas de démons qui sont eux même dans leurs gros vaisseaux sombres mais qui au sol se battent à l'épée ou avec leur propre version des épées-seringues.


Dans le premier tome on a une dynamique qui rappelle un peu Astérix avec un petit ange malin, Arkel, qui va réussir à repousser à chaque fois les assauts des démons. Les scènes de bastons sont très minimalistes et pas incroyables, mais on a vraiment un contexte de guerre, une tonalité guerrière, qui dénote un peu du tout-venant de la BD franco-belge jeunesse, surtout que c'est porté par les dessins de Hardy qui n'hésite pas à utiliser beaucoup d'aplats noirs, ce qui donne tout de suite plus de gravité à l'ensemble.


Le dessinateur peut être un peu inégal, mais son style de l'époque est quand même très efficace. C'est vivant, dynamique, ses démons ont des bonnes têtes de cons, y a des compositions intéressantes, surtout quand il utilise ses aplats noirs où ça donne régulièrement de superbes cases, notamment celles avec des vaisseaux infernaux ou quand il faut représenter "l'envers" (l'équivalent de l'enfer dans la BD) qui peuvent être assez sublimes. La colorisation reste dans la lignée de ce qui se faisait à l'époque dans le genre, mais y a souvent de bonnes gammes de teintes, et ça profite bien du fait que les scènes se passent souvent de nuit ou dans la pénombre pour offrir de petites ambiances sympa.


Le méchant Gordh est assez chouette, j'aime le fait qu'il ressemble au Démon de Jack Kirby mais dans une version plus maigre et plus gothique, évoquant le cinéma expressionniste allemand. Est-ce que Hardy s'est inspiré de Kirby ? Ou de l'inspiration de Kirby ? C'est à dire un masque de démon dans Prince Vaillant ? Ou de l'inspiration encore avant, un démon d'un film suédois muet et en noir et blanc de 1922 ? En tout cas c'est un chouette design et la ressemblance avec le Démon de Kirby me fait plaisir. Et la séquence où le perso arrive quasiment à convaincre Arkel de le rejoindre est assez chouette.


A noter qu'Arkel a aussi comme principal allié un mystérieux type nommé Facteur V, qui est un mortel plutôt musclé en gros pull à colle roulé jaune qui lui cache un peu le visage et qui joue volontairement les informateurs auprès des anges sur les actions des démons. Un perso un peu mystérieux et pas trop expliqué, je sais pas si il est censé être la métaphore de quelque chose... Il est sympa et il a une bonne tête mais j'avoue que je pige pas trop pourquoi il est là. Les autres mortels sont au moyen-âge, lui il a des fringues moderne et un vaisseau comme les anges sans en être un, c'est étonnant.


Mais bref, la première moitié du tome se suit plutôt bien sans être tonitruante. Disons que j'ai pas été hyper convaincu par le fait qu'Arkel qui est un bleu a la solution à tout hyper rapidement par rapport aux anges qui ont plus d'expérience en défense du paradis... Mais ça reste sympathique.


Le deuxième tome met donc en scène la revanche de Gordh après sa déconvenue du premier tome. L'occasion de découvrir les 6 autres diables supérieurs. Chacun représente un aspect des mauvais côtés des hommes mais étonnement ça reprend pas les 7 pêchés capitaux, qu'on aime pourtant nous ressortir en fiction, mais Desberg a visiblement décidé de partir sur ses propres concepts.


J'ai trouvé ce tome 2 plus réussi que le premier, l'affrontement face aux démons prend rapidement un tournant assez désespéré qui est assez inattendu dans ce genre de BD, et on a des révélations sur Gordh. Graphiquement c'est dans la lignée de ce que proposait le tome 1, en encore plus maîtrisé, plus lugubre et plus beau encore. Je suis pas fan de chaque case, mais y a régulièrement de très belles choses, que ce soit le dessin ou la colo.


Bref c'est plutôt sympa à suivre. Par contre, comme pour le tome 1, c'est assez fou que ce soit des albums où les persos féminins n'existent pas, ou vraiment à la marge dans de rares cases en figuration. Les anges sont censés ne pas avoir de genre je crois (la BD n'aborde pas le sujet), et les démons sont des monstres, donc peut-être que les auteurs ne cherchaient juste pas à genrer les persos, mais j'ai plutôt eu l'impression de lire un récit avec 99% de persos masculins, ce qui est assez regrettable.


Donc en conclusion, je suis content d'avoir découvert Arkel. C'est clairement pas la BD du genre que j'ai préférée, mais c'était pas non plus désagréable à suivre et Hardy fait quand même vraiment de très chouettes choses aux dessins et à des idées intéressantes dans ses designs. Même côté scénario y a parfois de bonnes idées, mais ça a tendance à rester assez classique. Je sais pas ce que vaudra le tome 3 et les deux suites des années 2000, mais en tout cas ce premier tome double vaut au moins le coup d'œil et reste une curiosité sympathique.

arnonaud
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le 10 sept. 2023

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