Mission accomplie. Dorénavant le chef Red Crow croupit en prison, ses trafics de drogue ont été démantelés et son emprise sur la réserve détruite. Il n’aura fallu que la trahison de celui en qui il avait le plus confiance pour faire tomber l’indétrônable baron du crime de Prairie Rose. L’agent spécial Dashiell Bad Horse est aujourd’hui libre de quitter le FBI, sa conscience pour lui et des projets d’avenir loin de cet enfer plein la tête…. Du moins, c’est ce qu’il pense.


Le précédent tome nous avait tous pris de court. Dashiell qui allait se faire tuer par Shunka était sauvé in extremis par un Red Crow tuant son plus fidèle lieutenant. En guise de remerciement, Dashiell accomplissait enfin sa mission en arrêtant le chef tribal pour meurtre ! Mais avant d’arriver à ce retournement de situation inattendu, Prairie Rose a été le théâtre d’un véritable bain de sang !

Cet ultime tome de Scalped démarre avec deux pages nous montrant Dashiell couvert de blessures et en caleçon, mettre enfin Red Crow derrière les barreaux.
Puis petit bond de huit mois dans le temps. Red Crow est en prison, Maggie Rock Medecine est la nouvelle chef tribale, Dashiell est considéré comme un héros par certains mais comme un traitre par d’autres. Chose plus surprenante encore, alors que Prairie Rose semble renaître de ses cendres, Dashiell Bad Horse est toujours dans la réserve pour le voir ! Il pensait à tord que l’arrestation de Red Crow allait lui permettre, enfin, de pouvoir partir, c’était s’en penser à la force des ses racines, se faisant dès lors un devoir de tuer le meurtrier de sa mère, de tuer Catcher ! La vengeance mais également peut-être… l’amour… enfin…

On se dit « Tiens ! C’est bizarre, Aaron aurait décidé d’offrir un avenir radieux à son anti-héros, si lourdement malmené jusqu’à maintenant ? » Même Red Crow n’en tient pas rigueur à Dashiell, acceptant son sort en prison et refusant d’attaquer la parole de Dashiell pour le discréditer. Mais c’est bien mal connaître Jason Aaron de penser cela, car ce tome n’est en fait qu’une longue descente en enfer de Dashiell. Jason Aaron mettant un point d’honneur à non seulement clôturer sa série en beauté, mais aussi à finir totalement de détruire la petite lueur d’espoir qui tentait timidement de continuer de briller en Dashiell.

Car si Red Crow ne veut rien faire contre Dashiell, c’est avant d’apprendre que Carol ait avorté. La mèche étant vendue par Dino. Oui surprenant de voir Dino franchir la ligne, c’est aussi soudain que bizarre. Dès lors, le meurtre de Diesel refait surface, et la petite vie paisible que Dashiell entrevoyait avec sa chérie, vole en éclat aussi vite qu’elle était apparue.

Dès lors, Prairie Rose va s’embraser davantage, brûlant tel le casino en flammes qui sera le théâtre sanglant d’un final meurtrier entre Red Crow, Catcher et Dashiell. Lors de cette dernière soirée fatidique, toutes les vérités éclatent. Red Crow comprend que Dashiell ne savait pas pour le bébé lorsqu’il voit se dernier comprendre ce qu’à fait Carol. L’agent Nitz découvre le véritable assassin de ses anciens mentors, Red Crow comprend que ses hommes tiennent moins à lui qu’à l’argent, que personne n’est irremplaçable, Dashiell scalpe un meurtrier avant d’en sauver un autre…

Le tout, merveilleusement illustré par R.M. Guéra. L’artiste atteint des sommets dans cet ultime volume de Scalped. Est-ce le fait d’avoir rencontré pour la première fois Jason Aaron au moment du dernier chapitre ? Toujours est-il que ses planches sont magnifiques. La violence transpire de ses pages. Nous avons le goût du sang et de la poudre dans la bouche, l’odeur de la fumée dans le nez, le bois qui craque et les tirs de pistolets claquent à nos oreilles. Nous ne sommes pas spectateurs lors de cet ultime affrontement entre Red Crow, Dash et Catcher, nous sommes sur les lieux ! On transpire sous l’effet de la chaleur, nous sommes écrasés par la lourdeur de l’ambiance, oppressés par le malheur et la noirceur environnante et qui semblent vouloir toujours davantage se répandre sur Prairie Rose.
Il ne faut pas hésiter à dire ce qui est, certaines planches de Guéra sont de purs chefs d’œuvres.

Si ce n’est pas la mort que Jason Aaron a décidé d’infliger à Dashiell Bad Horse pour son ultime châtiment, c’est un sort bien pire en vérité. En effet, plus on se rapproche de la fin et plus Dashiell se rend compte que sa maman avait raison, plus il se rend compte qu’il aime Prairie Rose, plus il se rend comprend que tout ce à quoi il tient se trouve ici. Et cette prise de conscience se fait en même temps que la violence augmente, que le sang afflux, que les morts s’entassent. Quelle tragédie de forcer Dashiell à faire cela, au moment où sa compagne fait la plus belle des découvertes. On se dit que le destin en veut à Dashiell.

Au final, Jason Aaron aura suivi sa ligne de conduite jusqu’au bout. Le pays des bisounours n’existe pas, c’est une chimère, une licorne. Quand on naît dans la merde, on y reste. Ce n’est pas parce que l’on accomplit quelque chose de bien, que les mauvaises actions sont effacées. Bien au contraire, car les jaloux feront alors tout pour les faire ressortir et ainsi éclabousser un bonheur naissant. Prairie Rose est une réserve maudite, gangrénée par la misère, imprégnée par la violence et baignée par le sang, et il est pure folie de croire que parce que l’on coupe un arbre mort, le reste de la forêt va reverdir.
Durant soixante chapitres et dix volumes, Jason Aaron nous a dépeint le quotidien d’une poignée de personnage tous plus abimés les uns que les autres, des personnages misérables, des personnages n’espérant rien de la vie et à qui la vie ne promet rien. Et c’est avec bien souvent de l’empathie, de temps en temps de la curiosité et des fois un plaisir coupable et limite malsain que nous avons suivi évoluer ces personnages. Avançant dans l’espoir de lendemains meilleurs, ou du moins, moins pire. Mais nous savions dès le départ que cela ne serait pas le cas.

Bref, Jason Aaron met un point final à sa série, au bon moment ! Lui offrant une véritable fin alors que le titre est en plein succès. Pas de surprise ici, l’univers de Prairie Rose est un univers impitoyable où les protagonistes se font bouffer par le destin noir et l’absence d’espoir. La lumière ne survit pas à Prairie Rose et c’est donc tout naturellement que la main du destin s’abat sur le chef tribal Red Crow, l’illuminé Catcher et sur notre anti-héros Dashiell Bad Horse.
Ce dixième tome se termine sur la même image d’un panneau miteux et n’inspirant rien de bien bon. A Prairie Rose, nous n’aurons pas vu des personnages prendre leur essor où évoluer vers quelque chose de meilleur, non seulement des morts et des vies brisées par le poids du destin. Mais putain que cela aura été bien écrit et prenant jusqu’aux tripes !
Romain_Bouvet
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le 13 févr. 2014

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Romain Bouvet

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