Hooray for Ducoudray !

Vu l'intérêt très limité de la série des Doggy Bags, on pouvait décemment s'interroger sur la capacité du label 619 d'Ankama à proposer un recueil d'histoires courtes de qualité de la première à la dernière page.
Alors ok, Before the Grocery ne part pas de zéro et s'appuie sur des personnages d'une série déjà existante et ok, l'univers de la saga des talentueux Ducoudray et Singelin n'a rien à voir avec l'exercice de style trasho-horrifique de Doggy Bags mais tout de même, je craignais que la très belle série The Grocery tombe dans ces travers très démonstratifs et vains qui m'ont fait décrocher de la série des Doggy.

Sauf que voilà, à la plume de Before The Grocery, il y a Aurélien Ducoudray qu'on découvre plus investi que jamais pour ne pas faire de ce tome 0 un simple numéro d'attente jusqu'à la sortie du tome 4. Non, ce tome 0 respecte les personnages qui ont bati le succès de The Grocery et ne se contente pas de broder des histoires faciles pour faire un peu de blé facile.

Before the Grocery élargit l'univers de The Grocery en nous proposant de découvrir des pans méconnus de la vie de Sixteen, Elliott, Ed, Ted et Ned, Washington ou encore le Rabbi Finkelstein avant les événements décrits dans les 3 tomes déjà parus.
L'intelligence de Ducoudray est de ne pas s’appuyer sur l’ambiance de guérilla urbaine qu’il a créée avec Singelin : chaque histoire courte est consacrée à un personnage de The Grocery et propose un univers bien à elle qui tranche avec le Baltimore qu’on connait. Des univers d’autant plus distincts que chaque histoire est mise en images par un dessinateur différent, un choix très cohérent avec l’idée de melting-pot qui traverse ce tome 0.
C’est donc à un voyage que Ducoudray nous convie, un voyage de chocs culturels et d’identités qui se créent, des chocs sociaux-temporels (le rabbi Finkelstein, la grand-mère de Washington), des chocs de classes (Sixteen, Elliott), des chocs spirituels (Ed, Ted, Ned). Un voyage métissé dont la principale prouesse sera de nous rapprocher de tous ces personnages qu’on découvre un peu plus et dont on comprend qu’ils ont été majoritairement façonnés par leur environnement plutôt que par choix personnels.
Côté graphique, chacun aura sans doute son propre avis mais il n’y a pas grand-chose à jeter, chaque style apporte sa pierre à l’édifice et la colo est suffisamment homogène d’une histoire à l’autre pour garder le liant dont un tel ouvrage a besoin pour ne pas s’éparpiller. Je reste en admiration devant les planches de Singelin qui garde ma préférence.

Un auteur intelligent, des dessinateurs investis. Du très beau boulot.
Comme quoi le cessez-le-feu est aussi salvateur dans la vraie vie qu’en bande dessinée ;)