Après le terrible meurtre du père Locke, sa famille emménage dans un étrange et vieux manoir. Ses enfants découvrent bientôt dans ses couloirs tortueux de curieuses clés aux propriétés étonnantes. Comme tous les jeunes, ils s’amusent avec ces nouveaux jouets. Mais un terrible secret se tapit au fond d’un puits, et ces clés prennent alors une tout autre importance.
Cette critique couvre la série des 5 tomes.
Joe Hill est le fils de Stephen Kings et il a visiblement hérité du talent de son père. Ce brillant écrivain manie l’horreur à la manière d’un chirurgien, en instillant les informations par petites injections à des moments stratégiques. Pour créer cette œuvre, il s’est allié avec Gabriel Rodriguez, un dessinateur lui aussi horriblement doué.
Locke & Key se démarque tout d’abord par son originalité. Le principe des clés magiques ainsi que leurs capacités est plutôt étonnant, voire déroutant. Malgré la brutalité avec laquelle cette série démarre, le trait caricatural de Gabriel Rodriguez peut laisser espérer une œuvre simplement fantastique. Non, aucune chance. La tripe n’est pas au rendez-vous, car l’horreur est essentiellement psychologique, avec des situations machiavéliques d’un sadisme rare. Les personnages se débattent dans une machination démoniaque (c’est le mot juste) en perdant au fur et à mesure leur innocence à force de souffrance. Les créateurs ne lésinent pas sur les supplices, les décès et la folie.
Pourtant, hormis l’ingéniosité de l’histoire, le reste est assez classique. La clé (Ah ! Ah !) de l’histoire sort tout droit de Lovecraft et ne surprendra donc pas, mais, comme cette série est un hommage à ce maître de l’épouvante, c’était attendu. Par ailleurs, la galerie de personnages est très banale : l’aîné baraqué qui complexe sur son intellect et qui a des problèmes avec papa, la cadette mal dans sa peau et trouillarde, et le petit dernier très, très futé. Idem pour les amis et les amants, ils semblent sortir d’une série. Cette absence de démarcation sert, à mon sens, à ce que le public (américain, à l’origine) puisse facilement s’identifier à la famille Locke et donc se projeter d’autant mieux dans leurs cauchemars. Il est toutefois remarquable qu’un des héros soit un adolescent avec une trisomie 21, personnage rarissime dans les BDs (et ailleurs). Par ailleurs, il est à noter pour les puristes que, malgré une référence explicite à la chèvre aux mille chevreaux, l’histoire n’a rien à voir avec le Mythe.
Enfin, le trait caricatural de Gabriel Rodriguez est somptueux, avec des cadrages et des détails très réalistes. Mais c’est dans les expressions que ce dessinateur montre tout son talent. Les visages tordus de souffrance, les regards fatigués et le désespoir jaillissent littéralement de ces horribles pages.
Locke & Key est une excellente série d’horreur concoctée par des artistes de talent, mais absolument glaçante. Elle ravira les amateurs du genre en leur garantissant des cauchemars de qualité. Quant aux autres, ils ne regarderont plus jamais leurs clés de la même manière…