Dernier vol… d’outre-tombe

Victor Hubinon et Jean-Michel Charlier créent Buck Danny en 1948. Le blond Buck sert dans l’US Navy, luttant pour la pax americana avec courage et loyauté. Tumber est son clone brun. Sonny est roux, maladroit et imprévisible. Inséparables, les trois aviateurs affrontent des Japs dans le Pacifique, des Chinois en Corée, puis des Russes un peu partout. La routine de la guerre froide. Francis Bergèse, excellent illustrateur aéronautique, reprend Buck Danny après la disparition d’Hubinon, en 1983. On lui doit d’innombrables couvertures du Fana de l’aviation et peintures pour les boites de maquettes Heller. Jean-Michel Charlier décède en 1989, laissant Les Oiseaux noirs inachevé. Bergèse abandonne l’album à la page 16, mais décide de reprendre seul la série. Il écrira ses propres textes, jusqu’à sa retraite en 2008.

Les oiseaux noirs bénéficièrent d’une publication (partielle) dans une intégrale. Allaient-ils demeurer, tel l’Alph-Art de Tintin, un album maudit ? Non, car le démon du dessin a ressaisi Bergèse (75 ans). Il a demandé un scénario à Patrice Buenda et Frédéric Zumbielh, puis ressorti ses crayons pour achever le tome oublié. Il choisira lui-même son successeur pour la suite du diptyque.

Difficile de juger du fond de l’aventure, car elle est seulement lancée. Le trait est précis, les avions de Bergèse volent toujours aussi bien. Mieux, le contexte a pris un délicieux air rétro. Les SR-71, U-2, C-137 et Mig-25, obsolètes, ont pris leurs derniers quartiers dans des musées. L'histoire évoque ces lettres perdues qu’un facteur consciencieux et vaguement ému dépose, 27 ans après son écriture, dans une boîte aux lettres. Bon voyage… dans un temps perdu.