Catwoman  : À Rome
7.5
Catwoman : À Rome

Comics de Jeph Loeb et Tim Sale (2004)

Un voyage appréciable, mais pas dénué de demi-teintes

Une couverture inspirée de l’artiste français René Gruau, la promesse de voir l’univers DC Comics décentré dans une Ville Éternelle éminemment bédégénique, une association Catwoman-Sphinx antagonique et potentiellement explosive, des traumatismes filiaux à résoudre : avant même d’en découvrir la teneur, Catwoman à Rome nous appâte avec quelques alléchantes promesses, que l’avant-propos du directeur artistique Mark Chiarello ne fait d’ailleurs que renforcer. Jeph Loeb et Tim Sale placent ainsi l’héroïne la plus célèbre de la mythologie Batman sur la piste des origines de Carmine Falcone, criminel notoire, « un grand à l’esprit petit » qui « considère Gotham City comme son empire ». Le voyage de Selina Kyle n’a rien de touristique : en quête de réponses, assaillie par les visions obsédantes de Batman, elle nous apparaît à la fois retorse et vulnérable. L’incongruité de ces « vacances » en Europe est énoncée au moment d’évoquer ses accoutrements en cuir dans ses valises : « S’ils les trouvent, j’aurai l’air d’une dominatrice en virée. »


C’est d’ailleurs l’un des points forts de Catwoman à Rome : l’humour perle çà et là (une blague sur Mussolini, les facéties du Sphinx, etc.), et surtout lors des interactions entre Edward Nigma et Selina Kyle, cela apportant au récit une once appréciable de légèreté. À titre d’exemple, on notera que les deux seuls mots d’italien que la féline avoue connaître sont… Armani et Gucci. L’autre satisfecit, au-delà d’un rythme et d’une construction dramatique habilement maîtrisés, tient aux enjeux filiaux qui irriguent l’album : Catwoman, loin de son image d’insouciante acrobate, est pétrie de doutes et d’interrogations. Avec abnégation, elle va chercher des réponses au lieu des origines. La plupart des rebondissements du récit l’éloignent évidemment de cette maïeutique familiale. Ces derniers supportent d’ailleurs leurs propres énigmes, puisque le venin du Joker ou le cryoflingue de Mister Freeze font leur apparition à Rome, sans y avoir été invités… Jeph Loeb et Tim Sale prennent aussi le parti d’initier une romance entre l’héroïne aux tenues de cuir et Blondie, le filleul de Carmine Falcone, un redoutable tueur à gages aussitôt coincé dans une mécanique de double allégeance.


Là où le bât blesse, c’est dans la manière d’exploiter le formidable cadre que constitue la ville de Rome. Cette dernière se voit en effet essentiellement caractérisée à travers les textes : « tout est dissimulé au regard », « la ville garde ses secrets », « on dit que l’Italie, c’est le paradis du vêtement de cuir », « on est en Italie, les gens ne portent des capes que pour aller à l’opéra »… Il y a bien des séquences dans le village de pêcheurs d’Anzio, à la basilique Saint-Pierre au Vatican ou encore au Colisée, mais jamais les auteurs ne semblent véritablement chercher à immerger le lecteur dans la capitale, se contentant le plus souvent de quelques vignettes en vue rapprochée. L’autre réserve est plus subjective et tient aux dessins : on y déplore un déficit de dynamisme et de sophistication, ce qui surprend d’autant plus que ce n’est rien de moins que le duo à l’origine d’Un long Halloween qui se trouve ici à la baguette. L’un dans l’autre, le voyage a beau être attrayant et capable de fulgurances, on reste quelque peu sur notre faim.


Sur Le Mag du Ciné

Cultural_Mind
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le 28 janv. 2022

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