Mind games
Et si les véritables qualités de "Ces jours qui disparaissent" ne résidaient pas vraiment dans son scénario - fantastique conceptuel bien dans l'air du temps - ni dans son graphisme - ligne claire et...
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le 10 janv. 2018
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Et si les véritables qualités de "Ces jours qui disparaissent" ne résidaient pas vraiment dans son scénario - fantastique conceptuel bien dans l'air du temps - ni dans son graphisme - ligne claire et légèreté -, mais bien dans l'état dans lequel ce livre nous met, dans l'abîme de pensées (et de sensations) qu'il ouvre devant nous ?
La première partie du livre de Timothé Le Boucher est divertissante, un peu intrigante, mais franchement pas follement passionnante, ni originale (on peut penser par exemple au film "Les jours où je n'existe pas" datant de 2002), et sa lecture ne dépasse pas le niveau de plaisir standard de la plupart des BDs actuelles : bien écrit, bien dessiné, le récit ronronne un peu, en dépit des efforts - peut-être d'ailleurs même un peu forcés - que Le Boucher fait pour le singulariser, en jouant la carte d'un mélange très actuel des genres et des races, et pour rendre ses personnages plus originaux en en faisant des artistes d'un spectacle à la limite du cirque...
Mais tout cela change radicalement lorsque débute la seconde partie de "Ces jours qui disparaissent", où notre héros se voit emporté dans un cycle de plus en plus extrême de disparitions, au point que toute sa vie finisse par lui être enlevée. Le jeu conceptuel se mue alors en véritable tragédie métaphysique, d'une force et d'une profondeur que le lecteur ne soupçonnait pas : impossible de ne pas s'accorder régulièrement des pauses durant la lecture, pour s'interroger soi-même sur sa propre existence, et surtout sur la nature de sa relation avec ceux qu'on aime et qui nous aiment. "Ces jours qui disparaissent" s'apparente alors à un long cauchemar particulièrement douloureux et surprenant, dont la conclusion ne peut être, on le sent rapidement, qu'atroce. Et si Le Boucher rajoute en fin de parcours deux twists particulièrement intelligents, la force de ces artifices scénaristiques n'est pas qu'ils sont "malins" (même s'ils le sont...), c'est qu'ils ajoutent encore un niveau plus élevé de vertige existentiel. On referme donc "Ces jours qui disparaissent" avec le sentiment d'avoir vécu une véritable "expérience" intime, chose rare et qui mérite donc de recommander chaudement la lecture de ce livre différent, quelles que soient les petites réserves qu'on pourrait avoir ça et là, en particulier sur le graphisme un peu trop plat. [Critique écrite en 2018]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine : https://www.benzinemag.net/2018/01/11/jours-disparaissent-timothe-boucher/
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le 10 janv. 2018
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