Un nouvel exemple de l'extraordinaire pouvoir de la bande dessinée pour toucher un public, moi le premier, qu'un long exposé austère ne manquerait pas de rebuter.
Bien que j'aie toujours vécu "à la campagne" et que je n'ignore pas le sens du mot "remembrement", je ne me suis jamais réellement penché sur les causes et les conséquences de cette "guerre à la terre et à la paysannerie", comme l'évoque une quatrième de couverture remarquablement rédigée.
Décidé par l'Etat afin de rendre l'agriculture française plus productive, ce redécoupage des terres visant à supprimer les petites parcelles débute en 1946 va se traduire par une destruction de nombreux paysages (avec ses conséquences sur la biodiversité) et par la disparition des plus petits paysans.
En tirant parti,entre autres, de nombreux témoignages des "profiteurs" comme des "lésés" et d'émissions de télévision vantant les mérites de cet aménagement foncier, les auteurs exposent de la manière la plus claire qui soit les multiples facettes de ce bouleversement de la ruralité française. S'il en est qui se sont accommodés du remembrement en pensant qu'en s'y opposant ils iraient contre le progrès, combien d'autres se sont révoltés ou ont été poussés jusqu'au suicide, comme l'évoque la première planche de l'ouvrage. S'il est un exemple que l'on n'oubliera pas des dérives que cette opération à marche forcée a provoquées , c'est celui de Gildas le Coënt, interné pendant neuf mois en hôpital psychiatrique à la demande du maire de sa commune bretonne pour avoir voulu s'opposer à la destruction du verger de son père.
Une lecture aussi instructive que passionnante sur un épisode trop peu connu de l'évolution de la société française.