Juste comme ça, une petite intuition désagréable. 
Depuis que cette BD est sortie à Noël, j'en entends parler en continu comme d'un grand chef d’œuvre à mettre en toutes les mains. Et pourtant, chaque fois que je l'ouvre, malaise. La question du remembrement est intéressante, bien sûr, mais quelque chose me gêne sans que je parvienne d'abord à mettre le doigt dessus. Et pourtant, après plusieurs tentatives de lecture, ça finit par me sauter aux yeux ===> mais ce dessin est juste pétainiste, en fait ! Ces aplats bien nets, cette silhouette digne de paysan en botte, cette lumière juste assez sépia pour faire vibrer les souvenirs...  Chaque case semble sortie d’un manuel scolaire des années 50 ! 
Bon, je vous arrête tout de suite, je ne suis pas totalement débile. Oui, les auteurices ont fait un très bon boulot. Oui le remembrement a dézingué des vies, des milieux et des savoirs. N'empêche que cette BD, je persiste et signe, son imaginaire graphique est rétrograde. On dirait au pire un manuel scolaire des années 50 au mieux un album de Tintin. Question, donc : Est-ce 1) une blague de mauvais goût ; 2) un choix esthétique assumé pour toucher le plus grand nombre ; 3) une reprise involontaire d’un imaginaire conservateur ? Gagné, c'est bien la deuxième et la troisième solution qui se combinent en un habillage graphique qui repeint l'histoire en image d’Épinal. Le dessin, agissant en contrebande du discours assumé du texte, convoque l'idée d'un monde traditionnel harmonieux parce que proche du sol, du vrai, de l'essentiel... et finit de transformer cette enquête vaguement subversive en réhabilitation d'un ordre ancien que l’État, cet ennemi de toujours (hein?) aurait disloqué. Parce que quand même, c'est un sacré tour de magie : ici, ce ne sont plus tellement les rapports de force capitalistes qui sont en cause, c'est bien l’État technocrate, modernisateur et progressiste qui a toujours tort quand il se mêle de nos vies. Allez, je l'admets moi-même : cette critique est outrancière et de mauvaise foi. Mais elle fait quand même du bien. 
Et puis tiens, juste comme ça : quel malheureux hasard qu'une BD comme Champs de bataille, cette contre-histoire rurale sans concessions, si incompatible avec les circuits de diffusion les plus massifs, soit diffusée par le groupe Hachette !! Pourtant, elle n'est pas du tout porteuse d'une écologie que le capital peut propager massivement sans y perdre un cheveu !! Et encore moins d'une écologie qui ne serait que l'alibi d'un discours qui arrange parfaitement les droites libérales et identitaires !! Maaaaais noooon, je divague, ils ne sont quand même pas si malins que ça, ces cons de réac !!!! 
Allez, je sors.