le 13 nov. 2017
Des hommes tels que j’aimerais être…
J’ai appris à lire dans Tintin, à rire avec Astérix. J’ai remisé mes Tintin et collectionné les Astérix. Puis, l’âge venant, le petit guerrier gaulois me lassa et je repris mes anciennes bandes...
Si Tintin au pays de l'or noir traitait d'une question politique et économique dans un Moyen-Orient encore rempli d'imagerie naïve, Coke en Stock offre une perspective beaucoup plus réaliste. Le trafic d'armes n'est que la première partie de cette histoire qui bascule ensuite vers une réalité plus honteuse : le trafic d'esclaves, que l'on croyait aboli, et qu'Hergé stigmatise ; paradoxalement, il sera accusé de racisme en 1962 par la revue Jeune Afrique qui lui reprochait de faire parler les Noirs du Ramona en langage petit-nègre, comme dans Tintin au Congo, et il dut procéder à des changements de dialogues lors de la réédition de l'album en 1967, en faisant s'exprimer les Noirs comme dans les romans traduits de l'américain, de même que des jurons du capitaine ont été changés afin d'éviter des allusions douteuses pouvant déranger ("ectoplasmes à roulettes" remplace "zouaves à la noix de coco"...).
Quand on regarde ça de plus près, on se dit que si un auteur faisait ce genre d'erreur de nos jours, qu'est-ce qu'il prendrait dans la tronche, car on ne peut plus rien faire ou rien dire dans ce pays sans tomber sous le coup d'une loi imbécile, que ce soit dans une oeuvre cinématographique (comme la vaine polémique autour de Autant en emporte le vent), un ouvrage littéraire, une chanson ou une bande dessinée, bref la culture est baillonnée par l'incompréhension et le soi-disant racisme mal placé, faudrait arrêter un peu un jour de verser dans ces travers pour que les auteurs et les artistes puissent respirer et s'exprimer sans que ça nuise à un peuple ou une couleur de peau. C'était un petit coup de gueule, fermons la parenthèse.
En dehors de l'argument de Coke en stock, Hergé en profite pour faire évoluer une foule de têtes déjà rencontrées dans de précédentes aventures, dont le bon senhor Oliveira da Figueira qui aide encore Tintin ; il s'implique beaucoup plus ici, son personnage est plus consistant, car c'est grâce à lui que Tintin rejoint la cachette de l'émir. Tous ces personnages jouent leur rôle à merveille, Hergé en tire les ficelles avec brio, on sent qu'il est bien maître de ses personnages qui, tels des pions sur un gigantesque échiquier, évoluent au gré de son scénario remarquablement structuré. Tous se croisent parfois rapidement, et d'ailleurs, Tintin pour ses retrouvailles avec Rastapopoulos, n'est pas confronté avec lui face à face, c'est un peu dommage. C'est dans cet album qu'il fait aussi la connaissance de l'aviateur estonien Szut, qui va au final devenir un "gentil", personnage qu'il retrouvera dans Vol 714 pour Sydney.
On relève encore des épisodes comiques inoubliables, dont la meilleure séquence est peut-être la scène avec le négrier que le capitaine Haddock abreuve d'un tombereau d'injures, et avec un porte-voix en plus, je crois que c'est une des plus belles litanies de jurons que Hergé a placé dans la bouche d'Haddock ; cette scène me fait toujours rire, surtout quand Tintin en rajoute : Inutile capitaine, il est trop loin maintenant. La longue scène sur le Ramona est dans son ensemble une réussite, elle fut bien rendue car Hergé et son proche collaborateur Bob De Moor avaient fait une traversée sur un cargo où ils ont accumulé photos et croquis pour avoir une approche du meilleur vécu sur un tel bateau.
Tous ces éléments permettent à cet album de se hisser parmi les meilleurs de la série, en tout cas, personnellement, c'est un de mes 5 albums préférés, qui dénote de la grande maturité atteinte par Hergé en 1958, aussi bien sur le plan scénaristique que graphique.
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Créée
le 24 déc. 2020
Critique lue 655 fois
le 13 nov. 2017
J’ai appris à lire dans Tintin, à rire avec Astérix. J’ai remisé mes Tintin et collectionné les Astérix. Puis, l’âge venant, le petit guerrier gaulois me lassa et je repris mes anciennes bandes...
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