Lâcheté et mensonges
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L’île de Madagascar possède certaines espèces uniques de poissons qui vivent dans ses rivières, dont certains sont menacés d’extinction comme le Joba Mena, principalement du fait de la dégradation, voire de la destruction pure et simple de leur écosystème. Sur place, il est difficile, voire impossible, de résoudre le problème à la source : conséquences du changement climatique bien sûr, déforestation, manque d’éducation des populations, indifférence ou corruption des politiques, poursuite de comportements traditionnels devenus inappropriés par rapport à la situation écologique, et surtout pauvreté endémique (comment empêcher quelqu’un qui doit absolument nourrir sa famille de pêcher ?)… les causes de la disparition des poissons sont multiples et difficilement traitables.
Face au désastre annoncé, une équipe de l’Aquarium de la Porte Dorée à Paris se rend régulièrement sur place capturer les poissons en voie d’extinction, pour les ramener et les préserver dans des aquariums. Singeon, auteur de BD, est recruté pour accompagner les scientifiques dans leurs aventures dans une région isolée de l’île de Madagascar, et retranscrire ce qu’il voit, ce dont il est témoin, dans un livre : ce sera ce Comme un poisson hors de l’eau, dont l’objectif est de sensibiliser ses lecteurs à ce type de défis environnementaux, et peut-être de faire naître des vocations.
Comme un poisson hors de l’eau est d’abord un récit de voyage, qui part de la découverte d’un pays finalement peu connu en France, avec sa situation politique, économique, son peuple, sa culture, sa cuisine, etc. que visite pour la première fois Singeon : le dessinateur saisit des instants banals de la vie malgache, essaie de capturer aussi bien des paysages que des attitudes, des comportements de la population locale. Bien entendu, car c’est le cœur du livre, la raison de sa présence, il se fait initier à cet étrange « métier » qu’est celui des « sauveteurs de poissons », qui travaillent avec les moyens du bord et doivent faire preuve toujours de plus d’initiatives et de créativité. Et il retranscrit également ce qu’il comprend de l’environnement écologique, politique, administratif, etc. au milieu duquel – et parfois en dépit duquel – l’équipe essaie d’accomplir sa mission.
Et c’est tout ? Oui, c’est tout… Il n’y a pas à proprement parler d’histoire (tout ça ne fictionne pas) dans Comme un poisson hors de l’eau, ce qui ne serait pas un problème si l’on n’avait pas une impression de superficialité de tous les sujets traités. On découvre et on comprend des choses, oui, mais jamais tout à fait assez, jamais vraiment en profondeur. Pire, les personnages eux-mêmes manquent de chair, de réalité, ils ne sont que des ombres qui s’agitent autour de nous, pour lesquels on ne ressent aucune empathie parce qu’on ne les connaît pas vraiment. Le résultat est que l’on parcourt ces 72 pages, dont certaines sont belles, en découvrant beaucoup de choses « intéressantes », mais sans pouvoir se départir d’une certaine indifférence.
Oui, si le but de Comme un poisson hors de l’eau était de nous informer, il est atteint. S’il était de nous engager, on est loin du compte.
[Critique écrite en 2024]
Créée
le 11 mars 2024
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