Coq de Combat, ou l'histoire d'un jeune homme parricide qui devint gigolo, combattant de rue, puis combattant de free-fight professionnel.
Ce manga est très intéressant sur de nombreux points.


Son personnage principal, Ryo Narushima, est aux antipodes de toute définition d'un protagoniste : Froid, calculateur, dépravé, manipulateur pervers et psychopathe ultra-violent, il est tellement horrible que même les pires enfoirés du manga ont l'air d'enfants de chœur à coté de lui.
En un mot, c'est le méchant de l'histoire.
Et c'est là la grande force du manga : Nous offrir en guise de héros un pur salopard qui est prêt à toutes les pires bassesses pour atteindre ses objectifs, sans jamais chercher à justifier clairement ses actes ou à les minimiser - Non, il est mauvais, dégueulasse et à moitié fou, bonne chance à toi, nouveau lecteur, tu vas chier du sang - mais dans le même temps, le rendre fascinant, faisant qu'on a autant envie de lire la suite du manga, pour voir la prochaine horreur qu'il va commettre (et croyez moi, y'a des perles), puis d'être dégoûtés par ses agissements et lui reprocher d'être un enfoiré.


En ce sens, on touche à l'essence même de Coq de Combat, une satire de notre société et de notre rapport hypocrite à la violence, où nous déplorons les guerres dans les pays pauvres, et dans le même temps, nous acclamons les tournois de sports de combats dans nos propres contrées.
Une bonne partie du manga est d'ailleurs dédiée à ce thème, l'opposition sport/art martiaux.
Ryo est un petit gars qui a commencé à apprendre le karaté pour plus se faire emmerder en maison de correction, pour lui, le karaté est une arme, une force qui lui permet de survivre (notez bien ce mot) dans notre monde actuel, et il se retrouve à affronter des combattants voyant les arts martiaux comme un sport, un art, un hobby, même. On l'oublie un peu trop souvent, mais des arts martiaux comme le karaté ou la boxe ne sont pas des sports à la base : Ce sont des outils de combat pratiqués par des soldats et des guerriers durant la guerre. Or, ces arts de guerre sont dénaturés, réduits à de simples divertissements morbides pour une bande de larves inconsistantes avides de sensations fortes, qui osent en plus exiger du fair-play et de l'honneur durant les matchs, du moment qu'ils arrivent à avoir leur quota de sang pour la journée. En ce sens, quand Ryo agit comme un connard, use de coups bas et "triche" durant les matchs, il ne fait que ramener le combat à sa racine : un duel à mort, où c'est le plus féroce qui l'emporte. Et quand il tabasse des sportifs, c'est tout le système qu'il tabasse, toute la société qu'il tabasse !


Après, le manga n'est pas sans défauts.


Déjà, je trouve qu'il y a une surenchère de scènes glauques et violentes, qui certes arrivent à bien toucher le lecteur là où ça fait mal, mais avec une telle accumulation qu'au bout d'un moment, on y croit plus, ça fait un peu exagéré. C'est certes dû en partie à la dimension satirique de l’œuvre, qui par essence exagère les situations, mais n’empêche, au bout d'un moment, ça fait un peu beaucoup.
Aussi, passé le tome 13, la trame du manga devient bien moins intéressante, se concentrant d'avantage sur une vision plus spirituelle des arts martiaux, et délaissant totalement la satire sociale. Les combats s’enchaînent, mais n'ont rien de mémorables, on sent la suite forcée par les éditeurs.
De plus, et en général je ne fais jamais trop gaffe à ça, mais : Le manga, dans l'ensemble, est assez misogyne. Les quelques rares personnages féminins importants à l'histoire sont soit des victimes qui s'en prennent plein la gueule pour pas un rond, soit des objets de désir, souvent victimes du personnage principal, d'ailleurs. Je ne saurais pas dire si c'est un effet recherché par le scénariste, pour justement critiquer l'aspect machiste du milieu du sport professionnel, mais en tout cas, je trouve assez moyen de nous pondre des trucs comme ça, non pas que je sois un féministe à la con, attention, mais je trouve dommageable que l'on réduise la femme à un simple rôle de victime...
Dernier problème, cette fois-ci lié au dessin : De base, le dessin du manga est somptueux, réaliste, détaillé et saisissant dans les instants les plus sombres, mais les combats manquent clairement de dynamisme, on a l'impression limite que les personnages sont immobiles dans certaines cases, ça ruine un peu l'impression de puissance que devraient dégager les affrontements. Dommage.


Mais bon, à coté de ça, Coq de Combat reste un manga très sympa, à ne pas mettre entre toutes les mains à cause de ses scènes crues et violentes, mais qui a quand même pour lui un personnage principal vraiment original et un propos très intéressant.
A tester.

Arkeniax
7

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le 20 juin 2016

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