"A quoi ça sert l'indépendant ?" - Robert Downey Jr.


Une citation que j'aime rappeler lorsqu'on me demande pourquoi je ne regarde pas de films d'auteurs et de séries chiantes et que je ne lis quasiment pas de bandes dessinées indépendantes, voire pire : que je ne joue qu'à des jeux vidéo mainstream. Du coup, comme peuvent le voir les utilisateurs qui m'ont choisi comme éclaireurs, je ne lis quasiment que des comics Marvel et DC. Mais de temps en temps, je fais une exception, pour un auteur que j'aime bien.


C'est le cas de Rick Remender. Très attiré par son travail pour la Maison des Idées, j'ai toujours été très curieux de voir ce qu'il pouvait donner sur une création personnelle ; je préfère ce terme à celui d'"originale" pour bien des raisons. Pour contextualiser, ce scénariste qui arrive à faire ressortir la violence du coeur des personnages les plus purs - et inversement - a notamment créé à l'Agent Venom et a envoyé Captain America dans une dimension dirigée par Zemo.


Un voyage multiversel pour Steve Rogers dont on sent quelques réminiscences dans le pitch de Black Science. Ici, il est question de Grant McKay, un inventeur qui a conçu une machine capable de voyager entre les univers et qui se retrouve coincé par cette dernière, avec son équipe, et qu'il doit, à tout prix, trouver un moyen de rentrer chez lui. Rien de très original sur le principe : ça rappelle même le remake de Lost in Space sur Netflix.


Sauf que là, les gars, c'est Rick Remender aux commandes et qu'il hésitera pas à foncer dans un mur, avec son spectateur à la place du mort. Parce que c'est un putain de punk qui ne fait jamais de concession. En témoigne le chapitre d'ouverture, in medias res où tu découvres, à travers les yeux d'un protagoniste que tu n'as pas encore appris à connaître, un univers sens dessus dessous, mis en scène par les dessins, aussi grandioses que terrifiants, de Mattheo Scalera.


La narration est brouillonne, dans le bon sens du terme. Grant est perdu. Tu suis son train de pensée avec le sentiment que t'as raté un wagon, mais, comme lui, tu t'accroches, parce que tu veux comprendre ce qu'il se passe. Du coup, au début, tu penses que Black Science sera une série centrée sur les personnages où les éléments SF seront secondaires ou déjà-vu. Mais t'es con : t'as oublié que l'nom d'l'auteur, c'est Rick Remender.


Alors, chaque univers que les protagonistes vont traverser est travaillé en profondeur. Il y a fort à parier que l'auteur ait écrit une Bible contenant l'Histoire et les différentes langues de chacun d'entre eux, avant de commencer à rédiger ses comics. Et, sans jamais aucune gratuité, les petits recoins crades un peu partout, subliment les quelques concepts vieux comme l'Infinivers, mais montrent aussi que toutes ses dimensions ne sont que le reflet de la notre.


Ca pourrait suffire. En plus, les dessins, très européens, sont vraiment magnifiques. Mais non, Black Science, c'est pas juste de la branlette. Y'a des vrais personnages qui ont des trucs à dire. A commencer par Grant McKay, ce père de famille drogué à la science et à plein d'autres trucs, obsédé par son travail. Il a plein défaut, l'bonhomme. Pourtant, il rêve d'accomplir de grandes choses et ne pense qu'à une chose face au danger : sa famille.


Assez ironiquement, c'est James Robinson qui signe la préface de ce premier tome. A l'époque, il écrivait Fantastic Four pour Marvel. Et si on avait donné de la drogue à Reed Richards, ça aurait sûrement donné Black Science. Parce que l'équipe que présente De Charybde en Scylla est une famille, au sens propre comme au figuré. Avec ses membres attachants au possibles et d'autres qui sont détestables.


Mais Rick Remender est un Américain qui écrit comme un Britannique : il arrive à rendre appréciables des personnages qu'il a initialement comme les plus dégueulasses du monde. Et si c'est aussi bien, c'est parce que le gars est assez malin pour creuser dans ses propres névroses. Il aurait pu appeler la série Tu la sens mon autobiographie ? Mais Image Comics aurait sûrement trouvé ça moins vendeur.


Initialement publiée sur Le Labo d'Emmessem.

Emmessem62
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le 17 mai 2018

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