J'aime le féminisme !

Je crois que ce que je préfère dans la bd, ce sont les oeuvres autobiographique/biographique. C'est une expérience esthétique vraiment unique, qui se démarque des autres oeuvres du même genre dans le cinéma ou la littérature.
Dans le cinéma, c'est par le prisme d'une caméra que le réalisateur obtient des images. Mais ces images sont objectifs, ce n'est que par l'agencement des images et du son que le réalisateur parvient à produire quelque chose de propre à lui. Pareil pour la littérature, c'est l'agencement des mots qui est unique chez l'auteur, et non les mots, car les mots sont objectifs.
Dans la bd, le dessin en lui même est unique, est propre à son auteur. Et je crois que c'est ça qui rend l'art de la bd si particulier. Ainsi, lorsque un auteur raconte son histoire à lui, il le raconte avec son dessin à lui, qui est propre à lui, en soi. C'est donc peut être, la forme la plus intime pour parler de son histoire à soi.

Enfin bref, j'ai été très touché par Deux femmes de Aram Song, c'est une bd semi biographique, mais tout paraît très vrai. Forcément, on sent qu'il y aura un aspect féministe très important, et en tant que ressortissant du patriarcat, c'est quelque chose qui m'inquiète. En fait, très souvent, on va avoir une femme qui a une morale supérieure, une conscience supérieure, et qui va sans cesse exprimer un certain dédain envers le sexe opposé. Au final, on tombe très vite dans un ressentiment puéril.

Ici c'est différent, on est sur quelque chose de beaucoup plus juste. On est pas là sur quelque chose de lourd, et moralisateur, c'est simplement le portrait très sobre de deux femmes qui ont leur propre médiocrité. Elles ont beaux être toutes les deux un peu rebelles, elles se taisent face au patriarcat, et font ce qu'on leur demande, et c'est seulement lorsque c'est trop dur qu'elles se plaignent. Et encore, leurs plaintes, elles le font à l'abris des regards, seulement entre elles la plupart du temps. C'est très vrai, car on est pas là sur l'archétype de la femme rebelle, qui n'a pas peur de choquer, ou d'être écarté. C'est vraiment deux portraits très juste de femmes qui, malgré leur côté rebelle, leurs aspirations, vont se conformer, faire ce qu'on leur demande, et subir, et résister à la dureté de la vie en silence.

D'ailleurs, ce qui participe à la justesse de cette oeuvre, c'est que le patriarcat n'est pas placé au centre des problèmes des personnages. En avançant dans la lecture, la bd part sur autre chose que la difficulté d'être une mère dans leur société. Car on a aussi les problèmes liés à la famille, au capitalisme, à la vie professionnelle. Très vite, on oublie le patriarcat.

Mais ce qui m'a le plus touché, c'est surtout de voir ces deux femmes fuirent partout où elles vont. On les voit fuir leur famille en se mariant, puis fuir leur mariage, leur rôle de mère, leur rôle d'épouse, par la suite. Fuir leur petite ville pour aller vers la capitale, puis ne plus supporter le métro de la capitale, et revenir près de ses proches. On les voit aussi changer de boulots, de métiers. C'est ça qui était très vrai, c'est ce courage de continuer, fasse à une insatisfaction qui revient systématiquement.