En 2013, The Boys (Intégrale - Tome 3) : Dit comme ça… est édité chez Panini Comics. Le tome regroupe la totalité de la mini-série Herogasm ainsi que les issues de la séries principale du #31 au #38. C’est un total de 14 numéros a découvrir dans ce tome.

Garth Ennis, créateur de la série, signe le scénario de la mini-série Herogasm comme de la série principale, évidemment. Et autant le dire d’entrée de jeu : il pousse ici son délire le plus loin. Là où la série principale est déjà corrosive, violente et satirique, Herogasm est une orgie de mauvais goût assumé. C’est peut-être l’histoire la plus outrancière qu’Ennis ait jamais imaginée dans le genre super-héros, et elle résume parfaitement son mépris des récits mainstream aseptisés.

#1 - #6 : Herogasm

La mini-série met en scène tous les super-héros et vilains du monde qui se retrouvent sur une île du Pacifique, sous couvert d’une mission cosmique, pour en réalité participer à une gigantesque partouze avec prostituées et compagnons de jeu de tous horizons. L’excès est total : sexe sous toutes ses formes, drogue, déviances en tout genre. Ennis et ses dessinateurs ne reculent devant rien, et ce côté sans filtre produit autant de malaise que de rires. Comme ces personnages sont tous des caricatures à peine déguisées de figures connues de MARVEL et DC Comics, le contraste entre leur statut iconique et leur comportement dépravé donne des scènes d’un comique grinçant irrésistible. On en vient presque à oublier à quel point le récit est volontairement dégradant et désacralisant.

Mais Herogasm ne se réduit pas à une provocation sexuelle. En seconde lecture, la mini-série se charge d’un contenu beaucoup plus lourd : Ennis y revient sur le 11 septembre 2001. Dans l’univers de The Boys, ce jour tragique a été aggravé par l’incompétence des super-héros, manipulés par Vought et couverts par le gouvernement. Ennis met le doigt sur un tabou : la manière dont une tragédie peut être récupérée et instrumentalisée à des fins médiatiques et commerciales. La critique sociale perce sous la farce obscène : Herogasm est à la fois une farce porno et une réflexion féroce sur la faillite morale de ceux qui prétendent protéger le public.

C’est aussi dans Herogasm que le personnage du Homelander gagne en profondeur. Jusqu’ici, il apparaissait surtout comme un tyran sadique sous contrôle de Vought. Dans cette mini-série, il commence à s’affirmer comme un acteur indépendant, se détachant peu à peu de la société qui l’a façonné. Il révèle déjà les germes du monstre mégalomane qu’il deviendra dans la conclusion de The Boys. On passe du simple parodique Superman pervers à une figure politique inquiétante.

John McCrea et Keith Burns se partagent l’essentiel du dessin sur Herogasm. Et il faut saluer leur audace : représenter une telle orgie de corps, d’actes sexuels et de provocations graphiques sans tomber dans la répétition était un défi. Mission réussie : ils livrent des pages aussi excessives qu’expressives, où la vulgarité se mêle au grotesque pour servir la satire d’Ennis. Nichons, bites, capes et super-pouvoirs en pleine action : tout y est, et c’est parfaitement dans le ton.

#31 - #34 : The Self-Preservation Society

Ce chapitre marque un tournant, ici, Butcher et son équipe affrontent directement la Revenge Squad, une imitation volontairement grotesque des Avengers de MARVEL. Là où Herogasm se concentrait sur la sexualité, cet arc est une déferlante d’action et de carnage. Les Boys massacrent leurs adversaires dans une séquence de violence pure. Ennis en profite pour régler ses comptes avec les Avengers : il ne se contente pas de les tourner en ridicule, il les détruit méthodiquement, illustrant sa haine des super-héros trop propres et trop lisses.

Parmi ces parodies : Stormfront, un super-héros nazi (celui-là, je ne sais pas qui il parodie) ; Soldier Boy, parodie de Captain America, sauf qu’ici il n’est qu’un pleutre naïf, obsédé par son image et incapable de courage ; Crimson Countess et Mind-Droid, parodie du couple Scarlet Witch et Vision ; The Swatto, parodie de Ant-Man et de The Wasp, mais transformé en homme-mouche répugnant et pathétique. Tous sont ridiculisés et éliminés de façon sanglante, comme si Ennis voulait montrer à quel point les Avengers classiques lui inspirent du mépris.

Carlos Ezquerra, grande figure du comics britannique est le dessinateur de ce chapitre (sauf sur le numéro #33 ou l’on retrouve le duo McCrea et Burns). Le trait de Ezquerra est plus brut, plus crayonné, immédiatement reconnaissable. Son style colle parfaitement à l’ambiance rugueux, violent et sans fioritures.

#35 - #36 : Nothing Like It in the World

#37 : La Plume De Ma Tante Est Sur La Table

#38 : The Instant White-Hot Wild

Les numéros suivants se concentrent sur les origines des Boys : Nothing Like It in the World centré sur Mother’s Milk est probablement l’épisode le plus touchant, où l’on découvre son passé douloureux et la manière dont le Compound V a empoisonné sa vie. Le numéro suivant consacré au Frenchman est un vrai délire comique. Garth Ennis s’y amuse à caricaturer les clichés sur la France et à inventer un passé aussi absurde que drôle. Le dernier numéro centré sur The Female est un épisode plus sombre, mais paradoxalement moins marquant, car son histoire reste assez opaque et moins développée que celles de ses camarades.

Darick Robertson, dessinateur originel de la série, se voit de retour au dessin. Sa patte graphique, dense et réaliste, ramène l’esprit du tout début de The Boys. On y retrouve l’ADN visuel fondateur, mais je dois l’avouer, je préfère presque Carlos Ezquerra, dont le trait plus rugueux correspond mieux à la brutalité de certains arcs. Robertson reste une valeur sûre, mais Ezquerra, avec son côté moins sombre et plus nerveux, donne parfois plus de personnalité encore.

The Boys (Intégrale - Tome 3) : Dit comme ça… n’est pas un simple comics de super-héros. Entre Herogasm qui pousse la satire sexuelle à son comble, The Self-Preservation Society qui dynamite les Avengers, et les numéros d’origin story qui humanisent les Boys, Garth Ennis livre une œuvre totale : obscène, violente, politique, mais toujours drôle et percutante. Les dessinateurs, de Robertson à Ezquerra en passant par McCrea et Burns, apportent chacun leur tonalité, mais tous servent la vision acide d’Ennis. Une vision qui, à travers le rire gras et le gore, révèle un commentaire d’une lucidité implacable sur les super-héros et la société qui les idolâtre.

StevenBen
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il y a 5 jours

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Steven Benard

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