Je ne connais pas bien cet auteur pourtant très réputé, mais j'ai envie de changer cela et de découvrir ses bouquins lorsque l'occasion se présente. Ainsi donc, je n'avais jamais entendu parler de ce manga-ci mais puisqu'il se présentait à moi, je lui ai ouvert mes bras et mes rétines.


J'aime beaucoup le graphisme. Cela fait très bande dessinée européenne dans le découpage et la mise en page. J'aime beaucoup l'encrage aussi, les compositions de cadre. Les personnages manquent un peu d'expressivité mais ils sont bien représentés, bien proportionnés. Les décors sont également très beaux aussi, bien amené. Les pages à l'aquarelle sont moins impressionnantes mais restent plaisantes à contempler. Seul petit bémol, et il s'agit là d'une manie que l'on retrouve dans beaucoup de manga mais aussi dans le 9ème art de manière plus générale, par moment, alors que les personnages sont en train de converser, l'auteur semble ne pas trop savoir comment rythmer sa mise en scène, alors, d'un coup, il nous place un plan extérieur. Je trouve ce procédé souvent gratuit, facile, inutile. C'est avec ce genre de vignette qu'on sent qu'un auteur ne sait pas forcément où placer sa caméra, qu'il se contente de penser à la mise en page (les lignes de force et les lignes directrices du regard) en omettant la mise en scène autant nécessaire à un auteur de BD qu'à un réalisateur de film.


SI le graphisme m'a grandement plu, le récit, lui, m'a complètement laissé sur le côté ! C'est d'une platitude sans nom. Apparemment, l'auteur a réalisé cette histoire, en collaboration avec un scénariste, pour les pratiquants d'un temple. En effet, l'héroïne est à l'origine de ce temple. Mais il ne voulait pas faire un récit biographique comme on en voit énormément, ce qui est louable, et a préféré s'attarder sur la construction psychologique du personnage, un peu comme un préquel ! Sur le papier, c'est intéressant. Mais dans le développement ça l'est moins ! Psychologie ? il n'y en a pas tellement, les personnages sourient comme des benêts tout du long. On peut même dire qu'on tombe dans la caricature tant je trouve ça absurde de faire le lien entre tous ces événements (morts des membres de sa famille, sacrifice du frère, tremblement de terre, mariage) et la construction du temple. L'auteur explique aussi (à la fin du volume, dans une interview plus intéressante que le manga) qu'avec le temps et l'expérience il a décidé de s'éloigner des mangas d'action comme il a pu en réaliser ; il se refuse à la dramatisation et aux expressions exagérées. C'est un choix. Et il y a réussi bien. Parce que, comme dit plus haut, les personnages sont tous fades. Et puis il ne se passe rien. Le récit n'est jamais qu'une accumulation de petits faits dont on ne nous montre jamais vraiment l'impact. Il n'y a même pas de construction dramaturgique. Les auteurs mettent une date, nous montre un personnage malade qui souffre pendant quelques pages avant de nous indiquer qu'il/elle est mort(e). Puis on passe à autre chose. Dans l'accumulation on ressent tout de même un petit quelque chose, mais ça n'est jamais exploité. Les conflits sont également absents: on ne fait que contempler la vie du personnage. On voit qu'elle marche des kilomètres pour aller à l'école. Mais on ne ressent pas vraiment sa difficulté. Même lorsque le grand frère part chercher la mère (en vain), on n'assiste pas à cette quête, donc on n'en ressent pas les obstacles. Tout est donc plat. C'est un peu comme dire que quelqu'un parle au lieu de raconter. Raconter implique des effets de narration, tandis que parler s'avère un peu plus plat, plus fade, plus direct. Ici, l'histoire apparaît plus comme un discours parlé que comme une histoire racontée.


Bref, je me suis pas mal ennuyé devant ce manga. Le pire, c'est qu'on comprend vite qu'il n'y a pas d'enjeux tout comme on devine aisément ce qu'il va se produire pour les personnages. Heureusement il reste un graphisme quasi irréprochable pour combler ces grosses lacunes narratives.

Fatpooper
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le 16 juin 2016

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Fatpooper

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