Fossiles de Rêves fournit l'occasion d'explorer davantage l'art de Satoshi Kon, disparu trop tôt, et qui a sévi tant du côté de l'animation que du manga.


Remarques sur l'ouvrage


Nous avons entre les mains un gros volume contenant 15 histoires courtes. La première histoire du recueil est disponible gratuitement ici. Elles ont été prépubliées au Japon entre 1984 et 1989. De ce fait on n'observe pas de véritable rupture dans le style de Satoshi Kon, sa manière de dessiner les personnages, de cadrer et composer les différentes scènes.


Certains récits ont un rendu visuel différents des autres, pour une raison simple : les planches originales ayant disparu, nous avons droit à une reproduction des pages du magazine de prépublication. Rien de catastrophique. La présence de « Pique-Nique », aux 3/4 de l'ouvrage permet d'avoir un récit tout en couleurs s'inscrivant directement dans l'univers de Akira mais j'ai trouvé dommage que, pour ce récit, ne figure pas l'article « un autre 2019 » qui accompagnait l'histoire courte quand elle est parue dans Akira World (sans doute un problème de droits).


Outre le début de l'ouvrage qui contient une préface et une illustration de Matthieu Bonhomme, Fossiles de Rêves se termine de manière émouvante avec la présence d'un entretien de Susumu Hirasawa (le développement du film Kon Yume Miru Kikai reprendra-t-il un jour ?) ainsi qu'un message de l'équipe éditoriale de Young Magazine suite à la disparition de Satoshi Kon en 2010.


Les mille et une nuits


Connaissant Satoshi Kon surtout pour ses travaux orientés vers l'aventure, le fantastique voire le suspense, la lecture du recueil m'a permis d'aller au-delà. Entre des soldats du IIIe Reich naviguant dans un tank en Afrique du Nord, des enfants jouant au base-ball, un Père Noël bien plus sympa que notre Félix national, une mamie dévalant à toute allure le bitume (ce n'est pas la Turbo-Mémé de Area 51) et des hommes qui ont vu « la Bête » on se rend compte que Satoshi Kon est un auteur aux mille facettes.


Les récits couvrent donc une multitude de genres, ne se passent pas à la même époque, dans les mêmes lieux. Certains font franchement rire (Remue-ménage, Un été sous tension, Mise au point, Les invités... remarque : il y a des jeux de mots dans les titres !) même s'ils ménagent toujours une part à la réflexion (sur la jeunesse, les rapports familiaux, le fonctionnement de la société, la science...), d'autres ont une dimension plus sombre, plus interrogative notamment par rapport à l'avenir (je pense à Sculpture, Pique-Nique ou Les prisonniers). La chute, plus ou moins préparée, survient là où on ne l'attend pas (La Bête, Le dauphin du désert).


It was a dream come true


Les histoires s'enchaînent chronologiquement (de la plus ancienne à la plus récente) à l'exception du dernier récit, « Les Prisonniers », qui est aussi le plus ancien. Un moyen de terminer le recueil avec un récit faisant écho à celui qui l'a débuté. L'impression de voguer de rêve en rêve, de rêve de Satoshi Kon en rêve de Satoshi Kon finit par apparaître au détour des pages. Le recueil n'en est que plus dépaysant et satisfaisant.


Si l'auteur n'est pas avare d'ironie envers ses personnages (notamment masculins), c'est une ironie bienveillante. Si les personnages ont des travers l'auteur les aborde avec une certaine tendresse. En la matière, les jeunes comme les adultes se voient dépeints avec les défauts de leur âge si l'on peut dire. Là-dessus ce n'est pas l'humain en soi qui semble inquiéter Satoshi Kon, mais plutôt ses réactions en rapport avec l'environnement qui l'entoure. Si le pire n'est jamais certain on sent une inquiétude parcourir certains récits, une inquiétude qui, plus de 30 ans après leur première parution n'a pas pris une ride.


Des fossiles bien vivants


Les quelques remarques qui précèdent ont voulu montrer tout à la fois l'unité dans la diversité des histoires courtes qui nous sont proposées en même temps que le plaisir pris à parcourir Fossiles de Rêves. J'ai suivi l'ordre de l'ouvrage mais on peut parcourir les histoires dans l'ordre que l'on veut sans rien rater. En somme les récits de Satoshi Kon sont comme un assortiment de douceurs, où l'on peut choisir celles que l'on veut selon que l'on souhaite rire, réfléchir, se moquer, avoir un frisson nous parcourir l'échine...


Avis un peu plus long à retrouver par ici.

Anvil
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Écrit par

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Créée

le 28 févr. 2017

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Anvil

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