Freesia
6.9
Freesia

Manga de Jirō Matsumoto (2010)

Commençons par planter le décor : Freesia se passe sur un fond de Japon en pleine guerre opposant l'orient à l'occident, avec des messages de propagandes diffusés dans les rues, "engagez-vous", "supportez l'effort de guerre", "notre cause est juste" ... Là dessus, le gouvernement lance une loi qui rend la vengeance allant jusqu'à tuer légale, et la réglemente. Ainsi, vous avez le droit d'engager des suppléants pour l'éxécution ou pour votre protection.

Ensuite, les personnages, à qui je vais donner des noms français parce que même en ayant lu 4 tomes hier soir, j'ai un peu oublié comment ils s'appelaient. Bon, le héros, disons, Georges. Il souffre de ce qui doit être une schizophrénie hébéphrénique, ce qui est grosso merdo la schizophrénie "de base" du cinéma et de la littérature, avec dissociation de personnalité et compagnie.

D'ailleurs je pense qu'il est le moment de faire une petite pause dans notre programmation pour parler de la schizophrénie telle qu'elle est vue par le cinéma et par les oeuvre culturelles en général. Cette psychose sert souvent de levier scénaristique pour permettre un retournement de situation (ou twist) dans une histoire), ou parfois afin de créer un aspect dérangeant à un (ou à plusieurs) personnages. C'est très joli, mais malheureusement c'est présenté comme l'unique symptôme ou le symptôme principal de l'individu malade alors que ça n'est pas le cas avec cette maladie. Il y en a bien d'autres, et je vous laisse vous référer à des ouvrages traitant du sujet ou à défaut de la page wikipédia afin d'en trouver une liste plus exhaustive que je ne pourrais le faire de mémoire.

Mais le plus important, c'est que la schizophrénie se construit sur des structures de personnalité à grande partie psychotique, alors que dans les films ou séries c'est le plus généralement sur une structure de personnalité complètement névrotique. Et c'est là la plus grande erreur. La différence la plus notable est que le névrosé vit dans la réalité, et est conscient de sa souffrance. Le psychotique, lui, a perdu le contact avec la réalité, n'a absolument pas les mêmes repères que la majorité de la population et ce qui est "normal" pour les autres ne l'est pas pour lui, à savoir que ses repères (s'il en a) de perception et de réflexion lui sont propres, ce qui rend la compréhension de sa personne extrêmement difficile, et ce qui rend sa compréhension des autres tout aussi complexe, d'où une intégration particulièrement difficile dans son environnement.

Nous faisons donc généralement face à deux erreurs majeures chez les écrivains et scénaristes à propos de la schizophrénie : la dissociation n'est pas le symptôme le plus apparent/important, et l'individu qui en souffre ne peut pas être décrit comme ayant une réflexion commune. J'ai simplifié pour que tout ça reste à peu près concis et (je l'espère) clair.

Mais revenons à notre mouton. Georges est donc un schizophrène hébéphrénique, qui outre des passages de dissociation de personnalité, souffre aussi de schizophasie (discours incompréhensible à ceux qui l'entourent), avec cette inexpressivité ici anhédonique et apathique caractéristique de la psychose. Il souffre aussi d'illusions auditives et/ou visuelles (dépendant du moment). Il montre aussi parfois des troubles qui se rencontrent chez les individus possédant une structure de personnalité perverse, mais dans une moindre mesure.
Pour faire court : il est paumé, il a la totale (ou presque, la catatonie étant un peu chiante pour la narration), et c'est ça qui est intéressant. Car si la description de la pathologie n'est pas parfaite, au moins elle est originale, et plus pertinente que beaucoup d'autres.

Notre joyeux taré Georges se fait donc recruter pour devenir un exécuteur de vengeance légale par un agence privée. Endroit où il va rencontrer d'autres individus hauts en couleur (mais pas autant que lui).

Il y a Jean-Paul, un autre exécuteur, qui lui souffre de perversion narcissique et qui a envie de tuer Georges pour une raison X, Bob, le dernier exécuteur du triumvirat qui lui est juste le personnage classique des mangas, obsédé par la justice et la légalité.

Il y a aussi Haguchi (celle là j'ai retenu son nom, quelle chance), qui est la responsable des trois gus, qui elle observe les individus et cherche les réactions inattendues aux évènements inhabituels (je me comprends). Il faut savoir que l'une des dissociations de personnalité de Georges est une femme ayant la même apparence que Haguchi, ce qui pourrait relier les deux personnages du fait d'un traumatisme commun...

Georgette, la copine inutile de Georges, souffre d'un manque de reconnaissance et trompe Georges avec un de ses amis chez lui et sous ses yeux ou devant sa mère grabataire, mais Georges il s'en branle, il a autre chose à penser.

Enfin bref, ce qui est intéressant dans cette série, c'est qu'il n'y a pas de personnage "normal", ils sont tous relativement bien construits et ayant une personnalité propre. Le dessin est assez sombre, à l'image du manga et des réflexions qui en ressortent. Le problème reste que ça se tasse au bout d'un moment, et que le tout est parfois un peu trop enrobé des réflexions un peu lourdes et rébarbatives et Jean-Paul le pervers narcissique et de Bob le vigilante. Il y a aussi tout un aspect paranormal/fantastique, mais à vrai dire on s'en tape, c'est un manga bordel. L'atmosphère reste quand même très sombre et pessimiste ce qui en fait un très bon Seinen en dépit de quelques défauts.
Flagadoss
8
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le 23 août 2011

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Flagadoss

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