Pour le moment assez peu connu en France, From the Red Fog m'a d'abord tapé dans l’œil pour son style de dessin oscillant entre la douce mélancolie de Jun Mochizuki et le trait brutal et glaçant de Tatsuki Fujimoto.

En définitive, on retrouve dans ce manga un peu de ces deux auteurs, mais dans une approche tout de même unique en son genre.

Nous suivons donc les pérégrinations du jeune Ruwanda, fils d'une femme cruelle, une meurtrière de surcroit, l'ayant coupé du monde et contraint à rester vivre au sous-sol de leur demeure isolée en pleine campagne anglaise. Un beau jour, le jeune-homme aura "le luxe" de pouvoir fuir et découvrir le monde. Hélas sans repère autres que les actes monstrueux de sa mère, le jeune garçon ne parviendra pas à établir de relation autrement qu'en reproduisant les schémas malsains auxquels il a été soumis depuis son plus jeune âge.

J'ai beau être difficilement sous le choc face à une œuvre, ayant été habituée à des Cannibal Holocaust, Martyrs, Salo ou les 120 Journées de Sodome, les œuvres de Junji Ito ou autre, j'admets avoir été particulièrement mal à l'aise après la lecture de son premier tome. Ce n'est pas tant son coté cru et sans concession, bien qu'il soit clairement présent. C'est au contraire le fait d'impliquer de telles atrocités au contact d'enfants, sans trop en dire pour ne pas vous gâcher la surprise de la lecture. Tout y est montré de façon cruelle, sans pincette et si en premier lieu, je n'avais qu'une crainte, à savoir faire face à de la cruauté gratuite, fort heureusement il n'en est presque rien. Je dis presque car, cette violence est en partie justifiée, néanmoins, elle repose en partie sur une ignorance totale de ce que représente la morale chez cet enfant qui n'en connait pas le sens et encore moins son importance.

Cependant cette même violence permet de nous présenter une certaine réflexion sur ce qu'est la vie d'un enfant n'ayant jamais eu d'autres repères que la violence dans sa vie, livré à lui même.

Le dessin très soigné, au style original et détaillé accentue assez bien l'histoire. Il parvient à nous offrir des personnages au design réussi, tout en soignant les détails pour mieux souligner les moments les plus déroutants du récit. Toutefois, ce même récit questionne, tant la morale y est ici brisée en mille morceaux et passée à tabac. Cette cruauté dépeinte dans From the Red Fog est telle que je déconseille sa lecture à n'importe quel public. A savoir que des scènes de meurtre, de violence, de suggestion de viol et de mutilations sont très présentes dans ce manga. Sa lecture se destine donc à un public adulte et responsable.

Un autre point qui m'a vraiment surprise restait la gestion du rythme de la narration du manga. A chaque tome, je n'ai ressenti aucune lenteur. La rythmique est telle que je me surprenais à enchainer la lecture des pages et de remarquer que j'avais depuis longtemps dépassé la moitié des tomes. On ne s'ennuie jamais et les séquences sont variées et riches en émotions fortes. On ne ressort certes pas indemne après la lecture de From the Red Fog. Qu'on apprécie ou non sa lecture, on peut difficilement rester indifférent face à lui.

Si malgré tout, vous êtes à la recherche d'une œuvre sans concession qui vous dépeint une Angleterre du 19e siècle, au contact d'enfants au destin tragique, avec des meurtres, de la violence et le tout mélangé dans un cocktail viscéral et plutôt original avec un dessin plutôt soigné, From the Red Fog peut certainement vous plaire.

Il est certes loin d'être le manga de l'année, toutefois, bien qu'il puisse aisément nous laisser perplexe après sa lecture tant sa façon d'aborder ses thématiques reste très osée, il n'en demeure pas moins un manga assez bien maitrisé, avec son lot de questions et d'indices nous invitant à nous demander: Jusqu'où les prochains tomes vont ils aller dans ce déluge de sang et de folie ? Mais surtout, sur quoi toutes ces atrocités vont-elles déboucher ?

Plus que de simples horreurs banales, From the Red Fog nous montre sans détour la misère humaine écrasée sous la monstruosité de la vie.

Un manga à réserver à un public averti, donc.

Attention toutefois, quelques maladresses dans la narration et dans la mise en forme des cases et du dessin peuvent parfois sortir de l'intrigue. Rien de bien méchant, mais il en découle parfois un aspect à la fois inégale et brouillon qui gâche parfois le plaisirs de lecture. Cependant, on n'en perd que rarement une miette tant le rythme reste surprenamment bien maitrisé.

Par delà ses maladresses notables, je regrette également le traitement parfois superficiel du développement des personnage ainsi que de ses intrigues qui manquent parfois d'impact et de liens avec un supposé fil conducteur du récit pour créer un tout cohérent qui pourrait, entre autre, nous offrir un drame humain qui va alors crescendo dans l'horreur qu'il nous dépeint. A l'inverse, le manga se perd parfois trop dans des intrigues secondaires sans réelle réflexion sur la matière à tirée de ces dernières en rapport avec l'intrigue globale de l’œuvre, tant et si bien que dès le second tome, un aspect vite foutraque et sans recul de la mangaka face aux éléments de l'intrigue qu'il place anarchiquement viennent vite nous faire comprendre qu'hélas, elle ne maitrise pas tellement son œuvre et manque parfois de maturité pour créer un ensemble homogène et réellement soigné.

En outre, là où le premier tome résonnait comme la promesse d'un drame humain vécu par un enfant sans repère flirtant entre l'imprévisible et les vices inavoués de l'être humain et sa bêtise, le second retombe vite dans des élans de shonen de combat sans drame ni grande folie, ridiculisant presque le genre comme les promesses que le premier tome faisait à son lectorat.

En ressort un manga pourtant loin d'être ennuyeux, avec ses touches d'originalités, mais qui ne parvient jamais à les transcender et encore moins à créer un ensemble réellement bien orchestré.

A lire donc uniquement si la thématique et les ambiances sombres de Londres du XIXe siècle plutôt proche de la sauce Springald et Black Butler vous plaisent et que vous recherchez une oeuvre violente sans concession.

Ni bon, ni mauvais, From the Red Fog a au moins le mérite de son originalité et de son aspect viscéral. N'en attendez cependant pas d'avantage, au risque d'être vite déçu.

Franyr
6
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le 31 janv. 2023

Critique lue 6 fois

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