Golden Kamui
7.7
Golden Kamui

Manga de Satoru Noda (2014)

Nul ne descend sur terre sans une mission divine

(Note : cette critique prend en compte actuellement les tomes 1 à 8; le manga étant bien entamé, il sert de "bilan" actuel à la lecture, et pour partager un avis sur l'oeuvre. Si par la suite, mon avis change, je republierais quelque chose.)


On peut apprendre des choses avec des œuvres de fiction, tout en étant divertis. Si, selon le format, le niveau d'information diffère (car on est dans une fiction après tout; le récit est au centre), il y a toujours moyen d'informer le lecteur, ou au moins l'intriguer sur une époque, un lieu, un personnage. Golden Kamui en est un excellent exemple.


Le Soldat, l'Indigène, et les Tatoués


Nous sommes juste après la guerre russo-japonaise qui s'est déroulée de 1904 à 1905 (tien, rien que là, on a possiblement appris quelque chose). Sugimoto, ancien soldat surnommé l'Immortel en raison du nombre de blessures qu'il a reçues au combat, mais pourtant toujours premier à foncer sur le champ de bataille. Le hic, c'est que la guerre finit, il a besoin d'argent pour remplir une promesse, mais la ruée vers l'or est terminée à Hokkaidō (île au nord du Japon). Cependant, il apprend, par un ivrogne, qu'un trésor composé de plusieurs dizaines de kilos d'or a été caché sur l'île par un criminel. Ce dernier, attrapé, a trouvé le moyen d'expliquer à ses amis comment trouver le magot : faire tatouer la carte sur le corps de ses compagnons de cellule qui, tout ensemble, formeront la carte. Le hic, c'est que ces prisonniers se sont évadés, il va donc falloir les traquer. Aidé par Ashirpa, une Aïnou (peuple indigène local), il va ainsi commencer son aventure, qui ne sera pas de tout repos.


Golden Kamui, c'est donc ça de premiers abords, une sorte de western asiatique; avec son lot de soucis au niveau local (banditisme), sa population indigène, son développement de population, la recherche d'un trésor; on est d'ailleurs chronologiquement non loin de la fin de la Conquête de l'Ouest. La recherche du réalisme se fait d'ailleurs sentir tout au long du manga.


La leçon du jour


Ici et là, le mange est parsemé d'information :



  • Dans un premier temps la culture Aïnous : que cela soit par ce que dit Ashirpa/d'autre Aïnous tout au long du manga ou par des cases mises ici et là par l'auteur, on découvre cette culture unique, intéressante dans son fonctionnement et sa vision des choses. Une bibliographie complète est d'ailleurs partagée à la fin de chaque tome.

  • Ce qui concerne la chasse, les animaux (le fonctionnement des ours par exemple), ou encore la survie (par exemple, les symptômes lorsque vous tombez dans une eau très froide dans un hiver glacial)

  • Ce qui concerne l'époque : le développement de la région, le fonctionnement d'une arme, de l'armée, etc


Tous ces éléments sont des facteurs qualitatifs et immersifs. Qualitatif, car on voit la recherche derrière ce qu'on nous raconte, rendant le partage d'information appréciable, mais l'immersion reste le point le plus important : du gaz dans une mine ? Un vent puissant dans la même mine ? Pourquoi l'ours n'a pas attaqué Sugimoto à ce moment-là ? Tout un tas d'information ici et là qui rendent les personnages et la mise en situation crédible, nous donnant l'impression de voyager au siècle précèdent, dans une époque différente. Alors oui, ça fait très documentaire au point que cela crée une routine (j'y reviendrai plus tard), mais c'est un excellent point.


Mais avoir un excellent contexte, c'est cool. Créer une histoire autour, c'est mieux.


Je suis Sugimoto L'Immortel !


Comme dit au-dessus, le fil rouge concerne la traque des Tatoués, qui permettra de facto à la découverte du trésor. Or, ces tatoués sont des criminels, et pas des moindres. Cela serait du spoil de vous les décrire un à un, donc je vais l'expliquer d'une différente manière.


Les personnages sont hauts en couleur : de par leurs design ou leurs manières d'agir, ils sont parfaitement identifiables. Et cela va autant pour les tatoués(qui d'ailleurs pour certains, sont aussi secondaire que des méchants de Jojo dans la partie 3) que pour les autres personnages, car Sugimoto n'est pas le seul à rechercher l'or. On arrive donc, au fil du temps, dans une situation où plusieurs groupes se forment, mélange d'individus qui, pour certains, sont dérangés mentalement (personnages incroyables d'ailleurs, même si lorsqu'ils ne durent qu'un tome, créant d'ailleurs une ambiance vraiment pesante); mais le manga arrive à rendre la motivation de chacun de ces groupes (mais surtout, de ses personnages) crédibles. Du simple appât du gain à la volonté de tenir une promesse, à trouver la gloire, ou changer le destin du Japon, chacun à une volonté propre de vouloir l'or. Nul ne descend sur terre sans une mission divine, en somme, comme l'indique l'intérieur de couverture du manga.


On se retrouve donc dans une situation où des personnages, parfois secondaires, sont développés, et se retrouve sur le devant de la scène. Résultat, à la fin du Tome 8, les personnages encore vivants sont donc des individus, chacun à leurs manières, fortes. Au point où l'on se demande comment ils vont mourir, dans quelle situation face à qui ? Des personnages qui n'ont finalement pour certains, rien à envier au personnage principal, Sugimoto, qui sans être un personnage unique, est quelqu'un de très appréciable dans sa manière de s'exprimer, de penser, ou par son background.


Ce n'est pas pour autant une oeuvre 100% sérieuse. Ici, l'historique se mélange à l'absurde, au comique de situation, au rupin gag, mais aussi au gore, à l'angoissant, ou simplement des combats épiques, mélangés à des twists qui complexifie l'aventure.


Cette diversité dans les situations permet, dans une bonne partie des cas, d'oublier le côté parfois "étrange" du récit. Je m'explique : un tome normal de Golden Kamui, ça va être la traque d'un des criminels, mélangé à la caractérisation de ce dernier, un combat, et Ashirpa qui parle de la culture de son peuple. En soi, ce n'est aucunement mauvais, mais cela installe une routine parfois étrange, car de petits éléments installés dans un tome prendront de l'importance dans le prochain. Par exemple, l'apparition d'un personnage, ses motivations, et ce que cela a pour conséquence dans le jeu des alliances, sera expliquée au prochain tome, voire au deuxième tome après ! Je ne dis évidemment pas que garder le suspense, c'est mal, mais il y a ce côté surpris de commencer un nouveau tome qui, en quelque page, te rajoute : un nouveau camp, un nouveau traître, et donc ce que cela implique. Maintenant, votre réaction sera possiblement différente.


Donc globalement, l'histoire, l'écriture et le récit, c'est du tout bon. Et les dessins ?


Comment bien appuyer son texte


J'aime, voire j'adore ce que fait Golden Kamui en termes de dessin. C'est à la fois d'un simple, mais extrêmement bien utilisé.


Globalement jolis, les dessins se surpassent quand il y a un animal (surtout un ours) ou une présentation d'un décor. Dans ces deux situations, le style est un cran au-dessus.


Quant au reste, c'est plutôt simple à résumer : dans la composition des cases ou juste d'un visage, le comique se crée. Il n'est pas rare que les personnages fassent, à X moments, car liés à X comiques de situation, un visage complètement différent, extrêmement drôle dans la situation. Mention spéciale à Ashiripa https://i.imgur.com/6P3zkfa.png https://vignette.wikia.nocookie.net/goldenkamuy/images/3/38/Ashiripa_pone_cara_de_azco_por_la_media_de_Shiraishi.jpg/revision/latest?cb=20160906031455&path-prefix=es ou à Shiraishi, un personnage où est plusieurs fois utilisé la même expression.


Vous ajoutez à des effets, mais surtout une composition d'image qui fait vraiment ressentir la puissance d'une scène, que cela soit de combat, d'humour, pour caractériser l'apparition d'un personnage ou une découverte macabre, et vous avez une BD qui mélange parfaitement l'écriture aux dessins.


Conclusion :


Pas besoin de tergiverser plus longtemps, je pense, je conseille vivement Golden Kamui. Arriver à faire un western asiatique, mais aussi une sorte de documentaire sur le début du XXieme siècle dans un archipel japonais, avec sa galerie de personnages marquants, et vous avez une oeuvre qui pourrais se résumer comme ça : c'est super bien. Et j'en veux plus.

Marouane1804
8
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le 21 mai 2018

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Marouane1804

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