Si tu veux lecteur partager ma joie, je t'enjoins humblement de prêter une oreille à cette superbe musique qui retranscrit bien mon état à l'acquisition du manga dont il est question ici.


Oh ! toi bienheureuse édition que j'ai de longues nuits appelé de mes voeux, enfin Glénat a su entendre l'appel d'un peuple de fanatiques réduit à hésiter entre un médiocre Gunnm Last Order ou l'achat contraint, à prix d'or, des pauvres éditions présentes en quantité très limitées sur quelques sites d'enchères dont nous tairons par pudeur le nom.
Qu'il est bon après avoir eu entre ses mains les éditions originales et les avoir laissé filer de pouvoir enfin poser sur son étagère - chaque mangaphile est un collectionneur maniaque qui s'ignore - le tome 1 de la série tant adulée du mangaka Yukito Kishiro.


Qu'il est doux de pouvoir dire à son libraire de nous le vendre, après avoir complaisamment soupiré d'aise en acquiescent qu'il était temps, en effet, que Glénat après les nombreuses années où ils nous laissèrent dans le noir, privé par les tribulations de l'auteur et ses changements d'éditeur de notre belle Gally, après avoir dû nous contenter d'une première édition peu flatteuse, qu'il était temps, donc, qu'il nous montre enfin la belle cyborg sous son plus beau profil.
Treize pages couleurs pour l'édition petit format, probablement un "grand format" à venir, sens de lecture original - encore heureux - et hormis à la page 197 où une petite erreur de découpage nous empêche de lire correctement la note sur la propulsion MHD, pas d'erreur majeure ici.


Qui dit tome numéro 1 dit - après le plus bel artwork de la série à mon goût représentant Gally en ange de rouille dont le corps en lambeau semble se disloquer comme pour mieux nous exposer ses rouages - retour aux sources. On assistera donc à la découverte du torse et de la tête de notre belle cyborg par Ido qui laisse libre court à une impulsion, tentant de donner le plus beau corps possible à sa "poupée" qui n'entend pas se laisser dicter ainsi une vie bien tranquille malgré sa reconnaissance pour son sauveur. Notre guerrière va donc lutter pour elle-même, marquant le début d'une quête initiatique qui s'annonce semée d'embûche. Déjà se dresse devant Gally le terrible Makaku qui entre deux succions de matière grise se permet de nous citer du Nietzche alors même que tout le monde le prenait pour la grosse brute de service.


Dans ce premier tome se dessine déjà tout ce qui fera le succès de la série et qui lui donne une telle emprise sur moi qu'elle m'en fait son prédicateur le plus zélé, son fidèle le plus grand pis qu'un mahométan convaincu. Le dessin tout d'abord qui nous assène une tarte en pleine gueule dès le premier artwork. Lorsqu'on déambule avec Ido dans la décharge surplombée par la cité de Zalem qui perpétuellement déverse ses ordures sur terre. La technologie toute post-apocalyptique, rongée par la rouille, usée par la bidouille qu'utilise Ido avec un rare brio tandis qu'il réanime la jeune - trois siècle, ça va - qui concentre en son visage tout ce que la plume d'un mangaka fera de tendresse et d'incompréhension. Je ne sais si ça doit compter pour quelque chose mais j'ai toujours été extrêmement fasciné par ces paysages futuristes et/ou post-apocalyptique qui étirent à perte de vue les buildings, les usines crachotants leurs fétides émanations, les ruelles crasses où pullulent les vermines en tout genre.
Quelle pertinence dans le chara-design du moindre personnage, de la frêle Gally au faciès angélique qui influencé par son nouveau corps saura se faire dédaigneuse et méprisante, du Ido souriant et porteur d'un lourd secret, du grave champion Kinuba trop sûr jusqu'au sanguinaire psychopathe philosophe Makaku accroc à l'endorphine.


Les combats sont d'un dynamise rare, tout en grands emportements, en souffles, en lames sifflantes qui déchirent l'espace d'un souffle tandis que les corps se fendent, s'ouvrent, démembrés tandis que les plus forts esquivent, se ramassent puis bondissent. Outre la multiplicité des plans rapprochés sur le visage de notre héroïne traduisant durant les combats ses moindres doutes, outre les plus grandes cases exposant une violence explosive, dégoulinant d'une badassitude toute futuriste, on notera la puissance de large cases pouvant exprimer toute la solitude et le désespoir qui envahit notre protagoniste laissée à elle-même dans les égouts. La contre-plongée, l'agrandissement des cases comme allongement des plans qui montre l'étendue du savoir-faire en matière de mise en scène du bonhomme.
Et au-delà de ça les thématiques du bonhomme qui transcenderont son oeuvre et qui se dévoilent vaguement ici : la question de l'apparence, du fond et de la forme, de la pérennité de l'homme à travers sa conscience malgré les ajouts de la machine, de l'influence du corps sur l'esprit, de la capacité à décider de son destin, du déterminisme des individus et de la grande question de l'humanité et de son essence.
Le tout nous est servi sur une dystopie furieusement enivrante, belle comme rarement un manga saura nous la dépeindre - je préfère Gunnm à Ghost in the Shell ou à Akira, n'en déplaise à certains - et Kishiro nous livre là une grande oeuvre, ponctuée de personnages échappant à tout manichéisme, rehaussé par une action qui ne faiblira que rarement.

Petitbarbu
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le 30 oct. 2016

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Petitbarbu

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