Happy!
7.1
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Manga de Naoki Urasawa (1994)

Là où la volonté est grande, les difficultés diminuent.

Depuis la mort de ses parents, Miyuki Umino et son grand frère Ieyasu doivent s'occuper seuls de leur petite sœur et de leurs deux petits frères. Comme un malheur n'arrive jamais seul, son grand frère a pris les voiles après avoir contracté une dette de 250 millions de yens. Miyuki, traquée par les yakuzas qui la pousse à la prostitution pour le remboursement de cette dette, s'engage à rembourser cette somme en devenant joueuse de tennis professionnelle. L'ancienne championne junior décide donc d’arrêter les études et de se consacrer au tennis. Si elle n'y parvient pas, elle devra travailler dans un lupanar. Au pied du mur, elle n'a pas d'autres choix que de réussir. La gérante d'un club de tennis,Utako Ohtori, prend Miyuki sous son aile à des fins personnelles : détrôner sa rivale depuis toujours, Hanae Ryugasaki (un autre grand nom du tennis, dont sa fille, Choko, débute une carrière prometteuse au tennis).


Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce manga n'est pas axé principalement sur le sport, c'est aussi mais surtout, un manga tranche de vie où l'on peut retrouver tout le talent narratif de Naoki Urasawa dans un tout autre genre que le thriller. On peut entrevoir furtivement l'influence d'Osamu Tezuka dans la construction des rapports humains et la complexité de ceux-ci. Et pour ma part, j'ai été très surprise surtout dans les environs du dernier tiers de la série. En effet, malgré un début assez moyen, la qualité du manga augmente à mesure que l'on avance dans la série. Dès le début, le récit est très lourd et peu convaincant à cause de l’excès d’empathie que l'on peut avoir envers Miyuki, suite aux acharnements incessants de sa rivale Choko Ryugasaki, les huées du public qu'elle subit en permanence,... Sans parler des personnages caricaturaux qui n'arrangent pas la situation. Heureusement, ces imperfections s’estompent aux fils des tomes pour laisser place à un scénario prenant avec une palette de personnages impressionnantes bien loin des caricatures présentées du début. Naoki Urasawa me fascinera toujours à faire de chaque personnage un phénomène. Avec une préférence pour Junji Sakurada le yakuza pas si méchant, Thunder Ushiyama le coatch au cœur tendre et Myuki qui, malgré son caractère naïf, s’avère être une femme forte et persévérante malgré tout ce qui lui arrive. Une fille débordante de gentillesse qui ne se plaint jamais malgré toutes les responsabilités qui pèsent sur ses épaules.


Un manga tranche de vie où une multitude de thèmes sont abordés, allant des histoires sentimentales aux thèmes un peu moins légers comme l'argent, la notoriété,... En passant par des thèmes plus sombres ; dans le sport (sponsors, paris sportifs, corruption,...) ou des problèmes sociaux (prostitution, précarité,...). Loin d'être moralisateur ou de porter un message quelconque, ce manga dresse plutôt un constat et l'envers du décors dans le milieu sportif et au sein de la société japonaise. Et l'auteur a l'art et la manière de trouver un juste milieu pour ne pas tomber dans le dramatique. Que ce soit par appât du gain ou pour régler une dette, l'argent est omniprésent tout au long du manga. Et, il est intéressant de voir que chacun des personnages n'ont pas le même comportement envers l'argent (les enfants des familles riches Ryugasaki ou Ohtori, ou cette personne qui tente de se suicider après avoir misé toute ses économies,...). Beaucoup d'aspects de la nature humaine et de la psychologie que Naoki Urasawa illustrent parfaitement et avec diversité.


Pour diverses raisons, la place du numéro un, la place du leader est très convoitée : Thunder Ushiyama et Alan Carrington qui veulent être le meilleur coatch au monde, les sociétés du clan Wanabuchi et du clan Yuri qui souhaitent la réussite de leur entreprise,... Mais surtout les clubs Othori et Riyasaki et l'ensemble des joueuses de tennis qui se battent la place de numéro 1, et à ce niveau là du sport, pas de place pour la chance. Même si on se désintéresse totalement de ce sport, l'auteur arrive à maintenir notre attention grâce aux enjeux et surtout grâce à la façon dont le récit est mené mettant en lumière les différentes perspectives des agissements des personnages pour arriver à leurs fins. Tous usent de stratagèmes pour y parvenir. La fin justifie les moyens ? Oui, pour certaines personnes qui emploient des méthodes déloyales et sans scrupules pour parvenir à leur objectif. Non, pour d'autres, qui restent intègre malgré tout. Ce questionnement reste présent dans notre tête tout au long du manga, et ceci bien au delà du sport... Effectivement, l'auteur expose en majorité des côtés négatifs de la natures humaine mais contrebalancé par la lumière apportée par Miyuki Umino et son entourage (Kikuko Kaku, Keichiro Ohtori, Junji Sakurada,...). Miyuki, sur qui personne n'aurait misé, grimpe une à une les marches sans perdre de vue son objectif malgré l’adversité, les obstacles, les soucis,… grâce à sa motivation et sa persévérance, elle s'accroche. Et on la suit jusqu'au bout et on veut qu'elle réussisse. Un très beau récit sur l'ambition !


Malgré une fin assez expéditive, je retrouve dans ce manga tout ce que j'aime dans le talent d'Urasawa mais dans un genre totalement différent de ses thrillers. Je le conseille fortement à toutes les personnes qui aiment l'univers d'Urasawa mais aussi à ceux qui aiment le genre tranche de vie.
Et enfin, et pas des moindres, à noter d’innombrables rôles importants de personnages féminins dans ce manga. Que ce soit la protagoniste, les deux présidentes de club de tennis et toutes les autres, Urasawa ne manque pas de mettre en lumière les femmes et de leur attribuer des rôles majeurs et ça pour un manga seinen, c'est plutôt cool.

nooh-chan
8
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le 9 août 2016

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