Il y a des comics qui dégagent un pouvoir d’attraction assez fort, presque mystérieux. Helen of Wyndhorn en fait partie. En fait, c’est la sortie d’Helen of Wyndhorn qui m’avait donné envie de lire Supergirl, histoire de voir si cette hype étrange autour du titre allait se confirmer ailleurs. C’est ce que j’avais commencé à expliquer dans ma critique de Supergirl, où on retrouve le même trio : Tom King au scénario, Bilquis Evely au dessin et Matheus Lopes aux couleurs.
J’avais déjà beaucoup apprécié le travail de la dessinatrice Brésilienne Eisnerisée dans Supergirl, même si certains détails, notamment les regards, m’avaient moins convaincu. Et ici, dès les premières pages, il y a ce regard d’Helen qui m’a tout de suite rappelé le trait de Bilquis pour les visages, mais cette envie de faire un parallèle a duré une demi seconde, tellement le dessin est fort, précis, fouillé; avec des couleurs de Matheus Lopes qui viennent encore une fois les magnifier.
Je parlais d'un trio magique avec Supergirl, il faut donc mentionner le troisième larron! C'est là que vient la magie de la force scénaristique de Tom King. Ce mec, je ne sais pas combien d’histoires il a en tête, ni comment il fait pour toutes, ou presque, les ficeler aussi bien. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a un certain charme ici avec une ambiance presque ésotérique, un peu poisseuse, qui m'a fait penser à la série Carnival. On sent qu’il va se passer quelque chose, mais on ne sait pas encore quoi.
Et c’est justement cette atmosphère, mêlée à l’aventure et au fantastique, qui évoque le mouvement pulp. Je ne le connais pas très bien, donc je me suis demandé en lisant si Helen of Wyndhorn était un hommage ou pas. Mais peu importe, au fond.
Ce qu’on sent vraiment dans ce livre, c’est une énergie : celle de l’aventure, du fantastique et des monstres, qui s’intègrent parfaitement au récit. Et là, dès qu’on entre dans cette dimension, tout le talent de Bilquis Evely se libère. Son trait onirique devient inventif, foisonnant, et parfois complètement fou. La tête de la sorcière des portes, par exemple, est incroyable. Je me suis même amusé à faire peur à mon fiston avec 🤗
Et puis il faut revenir à Tom King et à son talent de conteur. Ici, il déploie une narration à tiroirs. Parfois, avec lui, on peut trouver ça un peu préfabriqué, un poil trop “calculé”. Mais là, tout s’imbrique vraiment bien, même si ça n'atteint pas la force d'un Rorschach, ou là il était à son summum. Mais ce qui frappe ici surtout, c’est la force qu’il insuffle aux personnages. Comme il avait su le faire avec Supergirl et Ruthye, sa compagne de route, il réussit à donner ici une intensité dans les relations entre les 3 personnages principaux.
Tout cela crée une intensité particulière, et ce qui est fort, c’est que ces personnages ne sont pas seulement écrits dans leurs liens entre eux, mais aussi dans leur rapport au monde. Ce monde a une empreinte sur eux, ils vivent avec lui, ils le subissent et en même temps ils agissent dessus. Ils sont pris dans cet équilibre étrange, au milieu de tout ça, et c’est aussi ce qui rend le livre marquant.
Allez, un petit mot pour finir sur l’édition. Ici, on n’est pas sur du super-héros, et c’est sans doute pour ça que Glénat a pu prendre la main. Eux qui sont plutôt tournés vers la BD classique, ils se sont positionnés sur un axe différent de ce qu’on attend habituellement. Et ça fonctionne bien, d’autant que c’est une histoire originale : Tom King n’a pas brodé autour de la vie d’un super-héros méconnu du grand public, et Bilquis Evely a pu créer un personnage et des décors entièrement nouveaux.
Au final, c’est une vraie réussite, en tout point. J’ai adoré cette BD, et j’ai déjà hâte de la relire pour mieux m’imprégner encore de ses dessins et de son atmosphère.