Intéressante cette idée : Riad reste dans la même logique (observation du monde) tout en adoptant un point de vue un peu rafraîchissant (après le sien sur le lui, le sien sur le monde, il adopte celui d'une petite fille sur son monde à elle). L'auteur accepte de s'effacer (pas complètement) pour laisser cette jeune voix s'exprimer.
On se marre globalement bien. J'ai trouvé certains gags, surtout les premiers, moins réussis, la chute étant parfois peu inspirée, mais globalement ça passe bien. Il y a aussi cette tentative malheureusement ratée de vouloir faire du drama, comme lorsqu'une des petites filles apprend la mort de son père (on sent bien qu'il veut gratter un truc profond). Le concept est intéressant, mais peut-être qu'au niveau de la forme ça pourrait être plus libre que le gag en une page : on ressent parfois un manque de case pour développer des idées tandis que dans d'autres histoires, on n'a l'impression qu'il y en a déjà trop. Après, étant donné que ça paraît dans un hebdomadaire, ce n'est peut-être pas simple de changer de forme à son gré, mais bon voilà, du coup, certains récits perdent un peu de leur force. J'espère que l'auteur réussira à poursuivre ce projet jusqu'aux 18 ans de la petite Esther, j'ai hâte de voir comment elle va évoluer.
Alors évidemment, l'auteur triche un peu. Il a beau dire que non et qu'il restitue toujours ce qu'il voit ou ce qu'on lui dit, il est des gags que la jeune fille n'aurait pas pu faire (d'ailleurs ce n'est pas elle qui les dit, c'est l'auteur qui imagine lorsqu'il en est à l'étape du dessin), on sent ainsi son regard d'adulte pointer certaines remarques, ce qui n'est pas un mal, c'est le genre de clou qu'on aime voir bien enfoncé, ça favorise le rire (exercice d'ailleurs difficile car en étant mal fait, ce genre d'artifice peut vite rendre un gag très lourd comme c'est le cas lorsque certains Youtubeurs insistent un peu trop sur ce qui est censé être drôle - "What the cut", notamment souffre un peu de cette manie).
Au niveau du graphisme, c'est joli tout plein. Ça manque parfois de rigueur, comme souvent chez Riad, mais ça ne pose jamais de problème de compréhension lors de la lecture des dessins. La mise en couleurs simple fonctionne assez bien. Les décors sont assez remplis, les personnages expressifs et reconnaissables. Riad a toujours le don de dessiner des gueules, mais le fait qu'il dessine Esther comme une petite fille mignonne la rend attachante et rend la lecture du bouquin plus simple (alors que "La vie rêvée des jeunes" peut repousser justement parce qu'il n'y a QUE des sales tronches tout au long des trois albums).
Bref, ce premier tome est une réussite, espérons que l'évolution de Riad permette à Riad de ne pas trop se répéter et que ce dernier soit toujours suffisamment à l'affût pour capter ce qui peut devenir un bon gag.